Etranger par défaut !

Étrangers par défaut!

Nous publions ici, la première partie d'un document intitulé " Etrangers par défaut! " et préparé par trois jeunes Franco-Turcs habitant Mâcon (71). Ces jeunes ont tenté de brosser un portrait, parfois sévère mais souvent très réaliste, des jeunes issus de la diaspora turque.

 

A/ Profil du jeune Turc de France


- Le jeune Turc de France

- Le jeune Turc "classique"
   2.1- La copie parentale
   2.2- Le désorienté

ƒ - Le jeune Turc "étudiant"

- La jeune Turque de France

- Le jeune Turc issu du regroupement familial

- En général

 

 

A/ PROFIL DU JEUNE TURC DE FRANCE

1- Le jeune Turc de France

L'expression "jeune Turc de France" désigne ici les enfants des Turcs ayant immigré en France dans les années 70 et 80.

Le jeune Turc de France n'a pas choisi d'immigrer mais subit les conséquences de l'immigration.

Il se veut Turc mais en Turquie on le dit grossièrement "almancî". Il ne peut se considérer Français car il est involontairement mais par définition même un "non Français".

Il est donc "étranger par défaut!"

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2- Le jeune Turc "classique"

Le terme "classique" est certes "grossier" mais révélateur. Nous avons qualifié ce jeune Turc de "classique" car il est majoritaire.

    2.1. La copie parentale

Ce jeune Turc est une copie presque parfaite de ses parents. Comme il est arrivé en France un peu âgé (entre 10 et 15 ans) il n'a pu suivre une formation scolaire complète et satisfaisante. Sa culture familiale prime donc toujours dans son caractère et ses jugements.

Il ressent un léger problème d'identité mais ce n'est pas son souci principal car il se définit comme pleinement Turc, préserve son statut d'immigré et pense même parfois à un retour définitif dans "son pays" qu'il connaît pourtant si peu.

En ce sens, il ne présente pas de problèmes. Il est "stable": a un métier, est marié à une Turque de Turquie et a des enfants.

D'un point de vue culturel, comme ses parents, sa préoccupation unique est d'avoir une mosquée et d'envoyer ses enfants à des études coraniques dont il n'a pas bénéficié.

Sa femme, qu'il a fait venir du "village", ne possédant pas les bases grammaticales de sa propre langue se lasse très rapidement d'apprendre le français et se suffit dans les commérages avec ses voisines turques.

Il lui est acceptable d'avoir parfois des relations extra-conjugales.

De niveau C.A.P. ou B.E.P. au mieux, il a le turc comme langue usuelle. Cependant, il parle un turc imparfait et rural et un français erroné avec un accent.

Quand il fait des études, son rêve est de devenir garagiste, chaudronnier ou boucher.

Ses rapports avec les Français sont limités aux Français des classes sociales défavorisées.

A la manière turque, il se plaît à leur offrir des cadeaux en pensant:
"Kaz gelen yerden, tavuk esirgenmez!" mais l'oie n'arrive parfois jamais car le Français ne connaît pas ce proverbe qui n'est pas de sa culture.
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   2.2. Le désorienté

Le nombre de ce type de jeunes croît régulièrement. Il est souvent l'enfant d'une famille qui se désiste de ses responsabilités parentales. Ainsi, l'enfant grandit sans le contrôle et l'autorité suffisante de ses parents. Son orientation scolaire, ses fréquentations et ses agissements ne sont liés qu'à son seul jugement.

Malheureusement, du fait de son jeune âge et de son esprit malléable, ce jugement peut avoir des conséquences néfastes voire extrêmement préjudiciables.

Manquant du soutien et des conseils de sa famille, il bifurque rapidement vers des études professionnelles courtes. Dans le meilleur des cas, il obtient son B.E.P, prend conscience de sa situation et se dirige vers le BAC Professionnel. Dans le pire des cas, ses fréquentations l'entraînent à fumer, à voler voire à se droguer.

Généralement, il est né en France. Il ressent un profond malaise d'identité. Il est parmi ses "copains" celui dont le prénom se prononce bizarrement; parfois celui qui est typé. Ses copains sont issus des H.L.M. tout comme lui.

Tout sur lui a une marque mais lui n'en a pas!

Il ne connaît que très grossièrement la culture turque. Il parle usuellement le français. Malheureusement son français est "HLMard" et insuffisant. Son turc est limité.

Il se sent toujours trop jeune pour se marier. D'ailleurs, avec qui veut-il se marier? Peut-être une Française? Il ne sait pas.

Souvent sous l'influence familiale et communautaire, il consent à se marier durant l'été en Turquie. De retour en France, une fracture culturelle avec son épouse s'opère rapidement car cette "paysanne" ne vit pas en France depuis vingt ans comme lui. Elle ne connaît pas la langue et le mode de vie français; pourtant, elle le respecte et obéit car elle a été ainsi conditionnée.

Lui veut autre chose car il a été conditionné ainsi!

Ils ne se comprennent plus!

Il n'a pas d'ambitions, on ne lui a pas appris à réussir. Il ne sait pas ce qu'il deviendra. Il vit, il va en discothèque, il boit, il fait des "boulots" saisonniers, il se marginalise.

En résumé, il est le plus "égaré" donc le plus à risque.
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3- Le jeune Turc "étudiant"

Il a su être clairvoyant et comprendre que la réussite et l'intégration passaient par les études, si possible longues. Il est celui qui a le mieux su profiter de ses deux cultures.

Souvent, il a bénéficié du soutien et de l'intérêt continuels de ses parents, qui eux aussi avaient compris le rôle primordial des études dans "La Réussite". Eux sont ouvriers, leurs enfants ne le seront pas! Ils n'ont pas pu les guider pour l'orientation scolaire car ils ne savaient pas; mais les ont toujours suivis

Ce jeune aussi souffre d'un originel problème identitaire. Ce problème a atteint son apogée durant ses années collège et lycée. Il découvrait les plaisirs de ne pas être totalement "comme les autres" et le comportement des autres vis-à-vis de "sa différence"!

L'université le rend plus adulte, efface ses complexes; et pourtant il se demande où sont passés les autres étudiants turcs. Y en a-t-il? Il aimerait tant en rencontrer mais en vain!

Devant le manque d'intérêt et la façade glaciale des représentations diplomatiques turques en France vis-à-vis des étudiants turcs en particulier et de tous les Turcs en général, il se fait une raison et continue dans sa solitude.

Il se sent patriote mais prend conscience aussi qu'il est en réalité "un peu" français. Sa culture familiale est turque mais il est également cartésien comme un Français. Il ne tarde pas à se définir comme franco-turc (ou turco-français, sans vouloir faire la distinction).

Il parle et écrit un français des plus corrects, son turc cependant est imparfait et limité. Mais, il fait des efforts. Il est plus à l'aise en français.

Ambitieux du fait de ses origines modestes, il a des idées et des projets mais il est seul.

Il fréquente des Français de son niveau mais il en fréquente peu.

Il connaît et admire les relations chaleureuses entre Turcs, donc ses fréquentations restent essentiellement turques: il n'a pas besoin de prendre rendez-vous pour aller boire une tasse de thé chez une famille turque qui l'accueillera même à l'improviste avec beaucoup d'hospitalité!

Son éternel problème reste le mariage. Il aimerait rencontrer une étudiante turque, mais il n'y en a pas! En tout cas pas dans sa région. En effet, il pense qu'il peut avoir plus d'affinités avec quelqu'un de sa situation donc une Franco-Turque étudiante.

Parfois, il est marié à une Française.

Et parfois, il fuit la communauté turque!

Remarque:
L'étudiant turc venu en France pour ses études supérieures est totalement hors sujet.
En effet, c'est un jeune Turc EN France et non un jeune Turc DE France!

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4- La jeune Turque de France

L'expression "jeune Turc" regroupe les deux sexes. Donc les descriptions précédentes concernent également la jeune Turque de France. Cependant, il est important de noter certaines réalités qui lui sont propres.

Tous les problèmes précédemment cités sont amplifiés dans le cas des jeunes filles. La culture islamique rurale des familles ne va pas sans peser sur les épaules des filles.

Ainsi, les parents sont réticents à l'égard des études pour leurs filles:
"Qui sait ce qu'il peut arriver et en plus à quoi ça servirait?"

Trois cas se présentent:

        1er cas- La Clairvoyante (ou la solitude dans la réussite culturelle)

La jeune fille, peut-être parce qu'elle a été correctement et honnêtement conditionnée, se montre "raisonnable" et décide ses parents à la laisser faire des études. Elle en fait et réussit.

Cependant, ses soucis commencent lorsqu'elle atteint l'âge nubile.

Elle ne peut se faire à l'idée "d'importer" un compagnon "du village". De plus, il n'y a pas de Turcs de son niveau culturel dans son entourage. Pire, s'il y en a, étant fille, elle ne peut aller "demander leur main!" Que faire?

        2ème cas- La Traditionnelle (ou le conditionnement familial réussi)

La jeune fille, toujours en raison de son éducation et du conditionnement communautaire, consent et ramène un mari turc en France.

En fait, il ne se pose pas trop de problèmes car la jeune fille a totalement vécu, tout en étant en France, comme si elle était dans son village.

        3ème cas- L'insurgée (ou la naïveté véhémente)

La jeune fille à cause de son jeune âge et du manque de suivi et d'intérêt familial se laisse aller et fuit la communauté turque, prétextant plus de liberté, une vie "à l'occidentale" et son indépendance. Le pire est alors à craindre!

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5- Le jeune Turc issu du regroupement familial

Il est arrivé en France car il a épousé une jeune Turque de France. Son cas ne sera pas approfondi car hors sujet, même si son nombre augmente.

Il présente souvent les mêmes caractéristiques que le jeune Turc "classique": copie parentale.

Les Turcs l'appellent "ithal damat".

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6- En général

Le jeune Turc de France n'a plus d'espoir en ses représentants diplomatiques qu'il ne voit jamais, souffre d'un problème identitaire et ne se reconnaît plus dans la façon de vivre et les problèmes de ses parents.

Ses représentants diplomatiques ne lui ont jamais rien apporté (en tout cas, il le pense); pire il ne les a même pas vus une seule fois. Il pense que ce sont des bureaucrates péroreurs.

Turc ou Français? Il ne sait pas! Il se sent victime du biculturalisme: sa double identité, sa double appartenance culturelle sont ses fardeaux.

Il ne se reconnaît pas dans l'attitude "des adultes" de sa communauté:
    -les querelles régionales pimentées.
    -leur humeur qui devient rapidement colérique au moindre problème.
    -etc...

En fait, l'immigration a créé une communauté de personnes: une population qui n'est ni turque, ni française, mais les deux à la fois et donc qui a ses problèmes spécifiques.

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