La poésie de Keziban |
Nous avons le plaisir de vous
présenter la jeune poétesse Keziban YIGIT: lauréate du concours de l'écriture qu'a
organisé l'association ELELE. Keziban a 22 ans, est originaire d'Isparta en Turquie et
fait des études de lettres modernes à Bordeaux. Depuis l'âge de 13 ans elle écrit des
poèmes; à 19 ans, elle a édité son premier recueil vendu à 200 exemplaires dans la
région bordelaise.
Notre jeune amie est également secrétaire d'une association nommée "Ici et
là-bas"; "Iki toprak, iki Kültür" ayant pour but de promouvoir la
culture turque et la double culture.
N'hésitez pas à lui écrire: kezban@voila.fr
A suivre...
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LA LETTRIVORE
Je suis un prédateur dont le gibier
se trouve être les mots.
Je butine, lettre par lettre, à
la recherche de songes choquants.
Je déchiquette les pensées pour les
coucher sur des papiers de pierre.
La salive de ma plume agonise lorsque
mon cerveau est en mal de mots.
Dépendant de ma drogue, chaque minute
qui passe, je guette ma proie pour
que de futurs rapaces aient un
souvenir de ma main révoltée.
LETTRE A MON LA-BAS
LETTRE A MON LA-BAS
Chère Anatolie,
Tu me manques.
Cela fait maintenant dix ans que j'ai déménagé du sud-ouest de l'Anatolie pour
m'établir dans le sud-ouest de l'Hexagone.
Dix ans que ta terre m'est inconnue.
Dix ans que mon cur ne bat plus au rythme de tes rossignols.
Je voudrais tout d'abord m'excuser de t'avoir quittée de la sorte, sans un au revoir et
même avec une indifférence provenant de mon jeune âge.
C'est bien plus tard qu'une volonté dévorante est apparue dans ma vie d'exilée.
C'est ce souhait de te visiter, de te découvrir, de te contempler qui, aujourd'hui me
ronge l'intérieur.
Ici je ne peux que te rêver, simplement t'imaginer.
De mes rêves découlent des poèmes que je t'envois comme preuve de ma profonde
nostalgie.
ENTRE DEUX CONTINENT
Je suis née dans un pays
Où les étoiles brillent par milliers
Où la seule boulimie
Est celle d'admirer.D'admirer la nature
Qui offre des endroits secrets
Pour des amours privés
Dont les témoins sont des figues mûres.Je suis née entre deux continents
Où les mélanges sont permanents.
Même la nature est un alliage
De clairs et de sombres paysages.Reviendrais-je un jour ?
Vers ce rêve qui m'inspire.
Prendrai-je un billet sans retour
Pour m'y laisser mourir.
Ce poème traduit parfaitement mon manque.
Mon manque de toi, ma carence de ton climat, de ton air, de ton eau, de ta poussière, de
ton Tout.
Ici, au continent européen on te nomme du doux nom de Là-bas.
Tu es le Là-bas des exilés d'ici.
Tu es aussi pour certains occidentaux le pays où les informels sont les rois, où des
groupes de gamins forment à eux seul des entreprises commerciales.
Moi, mon cher village, mon admirable pays, je te considère tout autrement.
L'origine de moi et des miens tu es, la source de ma culture tu génères.
Il est vrai, désormais que je pense à toi et que je vis au rythme de tes coutumes mais
je suis ici et je me suis habitué à vivre ici, j'ai grandi, j'ai
appris, j'ai aimé ici.
Tu sais, je ne voudrais surtout pas te décevoir en t'énonçant le fait que j'apprécie
aussi mon pays d'accueil.
Ce n'est en aucun cas de l'infidélité, ce serait plutôt une richesse énorme sur
laquelle chaque exilé doit compter.
Et justement pour te montrer ma double ferveur, je voudrais te réciter ces quelques vers.
Etrangère n'importe où,
Le chez soi nulle part.
Vis.Toujours binaire,
Toujours dual,
Jamais singulier,
Bien-être, partout.
Racine orientale,
Tige occidentale,
Encéphale à double terre.
Tu sais maintenant que mon corps a été conçu avec deux
entités culturelles qu'il m'est impossible de séparer.
Cela dit, je ne puis pas réellement dire que je te connais: je t'écris pour te dire que
je veux t'apprendre. Je veux passer par chaque coin de tes rues, partir du nord pour
visiter tout ton littorale et descendre lentement pour longer ton centre et finir par tes
côtes méditerranéennes.
Je t'annonce que cela va bientôt être possible, "Insallah".
En attendant, je vis ici et je pense à toi.
A très bientôt.
L'Anatolienne.
Sevgili Anadolu,
Özlüyorum seni. Anadolu'nun güney
batisindan, Altigen'in batisina tasinali neredeyse on yil oldu.
On yildir topragin yabanci bana. Yüregim, bülbüllerinin civiltilariyla ayni
ritmde atmayali tam on yil oldu.
Bir hosça kal bile demeden, hatta yasimin verdigi umursamazliga seni öylesine
birakip gittigim için özür dilemek istiyorum senden.
Yüregimi yiyip bitiren bir istegin belirmesi, gurbetçi hayatimin çok sonraki yillarinda
oldu.
Seni görmek, seni kesfetmek, seni doya doya seyretmek arzusu kemiriyor içimi simdi.
Burada, senin düsünü kurmaktan, seni gözümde canlandirmaktan baska birsey
gelmiyor elimden.
Düslerimden, o derin sila özlemimin kaniti olarak sana gönderdigim siirler
siziyor.
IKI KITA ARASINDA
Yildizlarin binlercesinin parladigi bir ülkede dogdum,
Yegane oburlugun hayran hayran seyretmek oldugu.
Olgun incirlerin tanikliginda özel asklara kuytular sunan dogayi hayran hayran seyretmek.
Karisimin bitmek bilmedigi iki kita arasinda dogdum
Doganin bile kah isikli kah sönük manzaralarla bir alasim olusturdugu.
Geri dönecekmiyim bir gün esin kaynagim olan bu rüyaya?
Bir bilet alacakmiyim dönüsü olmayan ölmeye birakmak için kendimi?
Hissettigim yokluga, tam anlamiyla
tercüman oluyor bu siir.
Senin yokluguna, suyunun, tozunun eksikligine, herseyine. Avrupa kitasinda, Orasi diyoruz
sana usulca. Orasisin sen.
Buradaki gurbetçilerin ve bazi batililar için kural tanimazlarin kral oldugu, çocuk
yastakilerin sirketler kurdugu ülkesin.
Bense, sevgili köyüm, hayran olunasi ülkem, ben seni bambaska görüyorum. Hem
benim hem de bizimkilerim kökenisin; kültürüme kaynaklik edensin, üretensin.
Gerçekten bundan böyle seni düsünüyor ve senin adetlerinde yasiyorum, ama
buradayim ve alistim burada yasamaya, burada büyüdüm, burada ögrendim, burada sevdim.
Biliyorsun, beni agirlayan bu ülkeden hoslandigim gercegini söyleyerek seni hayal
kirikligina ugratmayi hiç istemem.
Bu kesinlikle vefasizlik degil, tam tersine, her gurbetçinin güvenmesi gereken
büyük bir zengilik.
Ve iste sana bu çifte tutkumu bir kaç sözcükle anlatmak istiyorum.
Her yerde yabanci.
Hic bir yer yuva degil.
yasa. Hep ikili.
Hep çifte.
Tekil degil asla
Her yerde huzurlu.
Kökü dogulu.
Gövdesi batili.
Akli iki topraktan.
Bedenimin, birbirinden asla ayiramayacagim
iki farkli kültürel parçadan olusmus oldugunu artik biliyorsun.
Seni gerçekten tanidigimi söyleyemem ama seni ögrenmek istedigimi söylemek
için yaziyorum.
Seni köse bucak dolasmak, kuzeyden baslayip tüm sahil seridini gezdikten sonra,
merkezine uzanmak için yavas yavas asagilara inmek ve Akdeniz
kiyilarinda yolculugumu bitirmek istiyorum.
Bunu "insallah" yakinda mümkün olunca sana duyurmak istiyorum.
Simdilik burada yasiyorum ve seni düsünüyorum.
Yakinda görüsmek üzere.
Anadolulu kiz.
(traduction de Dogan.)
LAISSEZ-MOI CROIRE
Laissez-moi croire que je vis dans un monde
Des doigts en feu devant une page vide.
C'est moi
Une main arrachée par des mots limpides.
C'est moi
Des rêves tachés par des songes livides.
C'est moi
Une âme infestée de pensées sordides.
C'est moi
Ce " moi" ne sait rien. Il se liquefie à l'approche de la raison.
Ce " moi" se réfugie dans un réel épiderme imaginaire.
Mon estomac ne contient plus les aliments
de la souffrance, il ne digère plus
les regards assaisonnés de pitié.
Il a faim de guerres sourdes
et non de fades discours.
Il a soif de liqueur d'amour et
non de vinasse empoisonnée.
Je revendique le droit de manger des plats
qui me donne l'appétit de vivre.
Je revendique le droit de gôuter un jour
a une poignée de sourire trempée
dans du caramel pur.KY - 18.04.2000
Chers lettres conditionnées.
Je suis aujourd'hui l'origine d'une requête que
je viens déposer au pied de votre sens.
Veuillez s'il vous plaît la prendre en considération.Je voudrais que vous me racontiez
dans vos phrases, dans vos histoires,
dans vos injonctions. Dans vos interrogations
somnambules et dans vos exclamations insomniaques.Faites de ma vie des points de
suspension infinis et à l'infini.
Bannissez de mon vocabulaire ce point
final, magestueux et stoïque.Faites de ma vie, un sujet, un verbe,
un C.O.D et donnez une tournure phrastique
à mon existence.Merci
? ! ...
KY - 22.04.2001
Oturmus bir dalganin üstüne.
Düsünüyorum.
Kiprikleri islanmis hayatima
kiziyorum.
Hocanin camisi var,
insanoglunun dünyasi var.
Benim ise hiç bir seyim yok.Oturmus kumun üstüne.
Yalvariyorum.
Kaldirmisim ellerimi.
Titriyorum.
Tanrimin gökyüzü, denizi, ayi, günesi var.
Benim ise hiç bir seyim yok.Kalbim atiyor ama yasamiyorum.
Nefes aliyorum ama boguluyorum.
Bir sevgi verinde,
benim de varligim olsun.
KY - 16.05.1999
A suivre...
D'autres poèmes de Keziban seront prochainement publiés...