Ok-anim.gif (510 octets) L'Aurore des Bien-Aimés

Conseil de lecture:

Louis Gardel,  L'Aurore des Bien-Aimés

Ce court roman, publié aux Editions du Seuil, contraste par sa brièveté avec La Nuit du Sérail. Le style de Louis Gardel, beaucoup plus sobre et plus concis que celui de Michel de Grèce, rapproche ce récit tantôt des contes, tantôt des mémoires.

 L’époque est également différente même si le cadre et les lieux sont identiques. En effet, Louis Gardel met en scène la vie du Sultan Süleyman, le renommé Soliman le Magnifique. C’est donc l’Istanbul du XVIème siècle qui sert ici de cadre spatio-temporel.

Ces quelques 140 pages permettent au lecteur de suivre le destin de Soliman : sa circoncision à l’âge de onze ans ; son adolescence, pendant laquelle sa vie est en permanence menacée par les autres prétendants au trône ; l’amitié infaillible qui le lie à Ibrahim, un jeune esclave d’origine grecque qui tient le second rôle dans le roman et qui devient le double du sultan sur le plan physique –il lui ressemble- aussi bien que sur le plan spirituel ou politique, puisque ce personnage de basse naissance obtient la fonction de grand vizir. On assiste auparavant à l’accession de Soliman au trône, à son règne glorieux auquel participent Ibrahim mais aussi Hafsa Hatun, la sultane validé. Enfin, dans la seconde moitié du roman, on découvre l’amour sans borne du sultan pour le troisième personnage important du roman, la célèbre Roxelane qu’on « surnomma Hürrem, c’est-à-dire la Joyeuse ».

Louis Gardel évoque donc l’histoire de ce trio, une histoire d’amitié, d’amour, de pouvoir, dans cette œuvre qu’il considère comme « le plus personnel de [ses] livres ». « J’ai découvert le sujet résumé en quinze lignes dans un guide touristique d’Istanbul », explique l’auteur qui a su rendre vivants ces personnages historiques dont il analyse avec finesse la psychologie et les sentiments.

 

Florilège de phrases tirées du roman :

Incipit du roman :
« Par la circoncision on devient homme et aussi homme de Dieu, digne de porter les armes au service de la foi. »

Clé du titre :
« L’aurore du bien-aimé s’est levée, de nuit ; elle resplendit et n’aura pas de couchant. Si l’aurore du jour se lève la nuit, l’aurore des cœurs ne saurait se coucher. » (extrait d’un poème mystique)

A propos des qualités d’Ibrahim :
« Savoir est une force, savoir ignorer aussi. »

L’amitié de Soliman et d’Ibrahim passe aussi par le contact physique :
« Ils se défiaient aussi à la lutte. Ces affrontements au corps à corps, moitié distractions d’enfance, moitié rites guerriers, les rapprochaient autant que leurs conversations : jubilation d’appuyer sa force contre une force égale. »

Les relations au Sérail :
« …dans le Sérail, rien ne rend un son plein. La sincérité même ne peut se passer de calcul. »
« Le pouvoir du Sultan est absolu. Les lois de Dieu constituent ses seules limites. »

Titres du sultan :
« Souverain des souverains, Distributeur des Couronnes aux Monarques du Globe, Sultan et Pâdishah de la mer Blanche et de la mer Noire, de la Roumélie, de l’Anatolie, de la Caramanie, du pays de Roum, de Zulkadir, de Diarbekr, du Kurdistan, de l’Azerbeidjan, de la Perse, de Damas, d’Alep, du Caire, de la mecque, de Médine, de Jérusalem, de toute l’Arabie, du Yémen et de plusieurs autres contrées. […] Ombre de Dieu sur terre, Héritier du Grand Califat, Possesseur de l’Imamat Exalté, Protecteur du Sanctuaire des Deux Villes Saintes Respectées. »

N’oublions pas l’amour, qui assujettit le souverain le plus puissant :
« Soliman sut qu’il ne pourrait plus se passer de cette jeune fille [Roxelane]. Il accepta cette sujétion. Elle ne l’affaiblissait pas. Elle ouvrait en lui des chemins qu’il n’avait jamais pris, libérait des élans dont il ne se savait pas capable. »

Sebahat EROL