La Turquie en liesse malgré la défaite de ses "Douze Géants"

 

ANKARA (Turquie) correspondance
LE MONDE | 10.09.01 | 15h12

La Yougoslavie a emporté, dimanche 9 septembre, à Istanbul (Turquie), le 32e championnat d'Europe de basket. S'il était vrai que la presse ne fait ses titres que sur les trains qui déraillent et jamais à ceux qui arrivent à l'heure, l'information ne mériterait que de figurer à côté des horaires dans les gares, tant est grande depuis près de trente ans la domination de la république balkanique au sein de l'Europe du ballon orange. Ce nouveau trophée, gagné aux dépens de la Turquie (69-78), ira rejoindre sept autres coupes similaires sur une étagère à Belgrade, non loin de quatre titres mondiaux et d'une médaille d'or olympique.

Et pourtant, cette fois, le Belgrade-Express a bien failli quitter la voie. L'équipe turque, portée par l'enthousiasme de son public et le sentiment d'écrire l'histoire, ne s'est pas contentée de tenir tête à la puissance yougoslave. Dopés par leurs incroyables succès contre l'Espagne (84-81) au premier tour, puis face à la Croatie et à l'Allemagne (87-85 et 79-78, après prolongations), les joueurs anatoliens sont parvenus à faire douter la formation de Svetislav Pesic jusqu'au début du quatrième quart-temps. La réussite d'Ibrahim Kutluay (10 points), le tireur gominé du Panathinaikos Athènes, et une défense turque plus rigoureuse qu'à l'accoutumée ont permis à la sélection au croissant et à l'étoile de prendre un net ascendant sur des Yougoslaves fébriles (aucun shoot à trois points, 1 sur 5 aux lancers francs) en première période (22-15).

Muselé par Hidayet Türkoglu, son partenaire des Sacramento Kings, Predrag Stojakovic, élu meilleur joueur du tournoi à la fin du match, n'a pas été en mesure de rééditer son exploit du 6 septembre, face à la Lettonie (27 points, 7 sur 7 aux tirs à longue distance en vingt minutes), et a dû se contenter d'un score médiocre de huit points à la pause.

Mais un Yougoslave en cache un autre, et cette fois, c'est Dejan Bodiroga, le héros des Championnats du monde 1998, qui a fait la démonstration de son talent, ramenant son équipe à un panier des Turcs à la mi-temps (40-38).

UNE PREMIÈRE DANS L'HISTOIRE

Il faudra attendre le dernier quart-temps pour voir s'effondrer une formation turque handicapée par les fautes individuelles et donc incapable de pratiquer une défense serrée sur le porteur du ballon. Vlado Scepanovic (19 points), gâchette d'Efes Pilsen lors de la saison 2001-2002, lui assénera le coup de grâce d'un dunk dans les dernières secondes.

Vaincue, l'équipe d'Aydin Örs a pourtant eu droit, lundi matin, à tous les éloges de la presse anatolienne. "Les champions de nos cœurs, nous les avons aimés, nous avons partagé leur fierté, nous les avons ovationnés." "Merci les enfants, nous avons perdu mais nous ne sommes pas tristes." "Merci les "Douze" Géants, toute la Turquie ressent avec vous la même fierté", titraient respectivement les quotidiens Hürriyet, Radikal et Sabah. Jamais une équipe nationale turque n'était montée sur un podium européen dans un sport collectif. Cette deuxième place qualifie les "Douze Géants" pour les Championnats du monde 2002, une première dans l'histoire du basket-ball turc.

Une aventure que ne connaîtront pas les basketteurs français. Plus tôt dans l'après-midi, ils avaient laissé échapper leur dernière chance d'aller à Indianapolis en s'inclinant (78-73) face à la Russie lors du match pour la 5e place. Auteurs d'un désastreux 2 sur 18 aux paniers à trois points, les Français ont été incapables de contenir les assauts du grand Andrei Kirilenko (22 points et 12 rebonds) et de museler l'adresse des pointeurs slaves (10 sur 19 au-delà de la ligne des 6,25 m). L'équipe de France ne participera donc pas au championnat du monde, et cette déception pourrait en décider plus d'un à prendre sa retraite internationale.

Nicolas Cheviron