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Cannes: la fin d'un couple entre l'ouest et l'est de la Turquie

 

 

par Wilfrid Exbrayat
 

CANNES (Reuters) - Après avoir décrit la dérive solitaire d'un photographe sur les bords du Bosphore dans « Uzak » (Au loin), le cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan reprend ce personnage du photographe mais en lui adjoignant une compagne et en observant leur couple se déliter au fil des saisons.
 

«Uzak » avait été montré à  Cannes en 2003 et avait reçu le Grand Prix ainsi qu'un double prix d'interprétation masculine. Trois ans plus tard, Bilge Ceylan revient présenter « Iklimler » (Les Climats) à  nouveau en compétition et dont la projection officielle a lieu dimanche.

Les deux expériences ne sont pas pour lui exactement les mêmes.

« C'est plus difficile (de revenir à  Cannes) dans le sens qu"Uzak' n'était pas une première mondiale. Il était sorti en Turquie, donc j'avais une idée des réactions qu'il provoquait », a-t-il expliqué à  Reuters.

« Mais 'Les Climats', c'est une première mondiale et j'étais donc un peu nerveux en pensant aux réactions qui se manifesteraient à  la première projection. En revanche, c'était aussi plus facile dans le sens que j'ai à  présent plus d'expérience ».

Le cinéaste interprète le personnage principal et son épouse (Ebru Caylan) sa compagne.

Lorsque le film débute, le couple est en vacances à  Kas et cela se résume à  du sable, du soleil et une lumière vive. Ces vacances sont également celles de la rupture.

De retour à  Istanbul, le photographe essaye d'oublier, en particulier dans les bras d'une ancienne maîtresse, mais rien d'y fait.

TOURMENTS INTERIEURS

Sa compagne, qui travaille dans l'équipe de réalisation d'une série télévisée, se retrouve dans l'est de la Turquie, sous la neige et un ciel blanc ou gris. Il l'y rejoint. On croit un moment que le couple va se reformer mais l'histoire est bel et bien finie.

Les dialogues sont réduits au minimum, les silences et les regards du couple sont beaucoup plus éloquents.

Ceylan confie qu'il n'apprécie guère les films bavards et que, sous les regards et les silences « il y a une autre réalité, plus réelle, et si on est assez fin, si on observe bien, on peut la saisir ».

Les différentes saisons et leurs lumières sont révélatrices des tourments intérieurs des personnages, que la caméra, rarement mouvante, serre toujours au plus près, jouant énormément sur la profondeur de champ

Nuri Bilge Ceylan est également photographe et cela se voit dans le soin avec lequel il compose ses plans filmés en vidéo numérique. Le rythme lent de la narration et la mise en scène concourt ici à  accumuler la tension au lieu de l'apaiser, ce qui est le but recherché.

« Il est évident qu'ici, le climat est celui de l'âme et n'a rien à  avoir avec le climat réel. J'essaye de saisir les caractéristiques de l'âme et il me semblait que 'Climats' convenait bien comme titre pour cela », ajoute Bilge Ceylan.

Travailler avec son épouse implique une complicité et une compréhension des situations parfois instinctive.

« Il n'est même pas nécessaire par endroits d'écrire les dialogues. Le scénario se met alors à  ressembler davantage à  un ensemble de notes compréhensibles pour moi seul », observe le cinéaste, qui signe avec « Les Climats » son quatrième long métrage.