CINEMA TURC

 

"Le Destin" et "Confession" : la Turquie, à l'aune de la désaffection sentimentale
Deux films de Zeki Demirkubuz placés sous le signe de la fatalité.

Films turcs de Zeki Demirkubuz. Avec Serdarorcin, Zeynep Tokus, Demir Kaharan, Engin Gunaydin, ("Le Destin", 1 h 55) ; Taner Birsel, Basak Koklukaya ("Confession", 1 h 31).

Il est plutôt rare que deux films d'un même réalisateur soient sélectionnés à Cannes. Mais Le Destin et Confession, tournés la même année, constituent les deux premiers volets d'une trilogie réalisée par le cinéaste turc Zeki Demirkubuz, dont on avait découvert en France le premier long métrage, Innocence, en 1999. Comme celui-ci, Le Destin, inspiré de L'Etranger d'Albert Camus, suit un personnage qui paraît exilé du monde, indifférent à tout, à commencer par son propre sort. Musa est un jeune homme solitaire et taciturne dont le retrait de la vie est une sorte de défi philosophique à la notion même d'humanité.

Fonctionnaire aux douanes, il constate avec indifférence, si ce n'est soulagement, la mort de sa mère, en compagnie de laquelle il vivait, puis se marie sans plus de sentiment avec une collègue lassée d'être la maîtresse de leur chef de bureau. Lorsque ce dernier assassine sa femme et ses enfants, Musa - qui se trouvait auprès d'eux ce jour-là à l'instigation de celui-ci - est inculpé du crime et assume la responsabilité d'un meurtre qu'il n'a pas commis. A la constante impassibilité de Musa, cinématographiquement problématique dans un cadre qui se veut réaliste, correspond l'inexorable culpabilité qui taraude le couple de Confession. Harun, un ingénieur, a épousé Nilgun après l'avoir enlevée à son meilleur ami, qui s'est suicidé. Le film, dans le sillage d'Antonioni, semble vouloir prendre la mesure de l'inexprimable distance qui, entre déchirement et réconciliation, adoration et humiliation, ravage leur union.

Placés sous les auspices de l'absurde et de la fatalité, sondant avec subtilité la désaffection sentimentale et le désaccord entre les sexes dans une société tenaillée par des impératifs inconciliables, ces deux films témoignent, par la rigueur de leur mise en scène et leur manière de tailler dans le récit pour n'en conserver que l'essentiel, d'un talent qu'il faudra désormais surveiller de près.

Jacques Mandelbaum

Le Monde du 26.05.2002

 

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