LES TURCS DANS LE BAIN ÉLECTORAL ALLEMAND

 

En Allemagne, la chasse aux électeurs naturalisés

LEMONDE.FR | 17.09.02

Les Allemands d'origine turque n'avaient jamais vu ça. Les candidats aux législatives de dimanche, réalisant qu'ils représentent environ un électeur sur cent, déploient des stratégies inédites pour les séduire, observe Der Spiegel, dans son édition du 29 juillet.

Ainsi, l'inauguration de l'imprimerie du groupe turc Kelkit, le 3 juillet, a été très courue. Le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder avait dépêché son ministre du travail, tandis qu'Edmund Stoiber, candidat de l'Union chrétienne (CSU-CDU), était représenté par le ministre de l'intérieur de Bavière. Le vieux libéral Hans-Dietrich Genscher (FDP) et la Verte Claudia Roth se pressaient eux aussi autour des petits fours. Il faut dire que Kelkit publie Hürriyet, journal largement distribué en Allemagne et tout autant lu par les Turcs.

La rédaction du quotidien a d'ailleurs fait l'objet de demandes de visites aussi soudaines que nombreuses. Le premier à s'y rendre fut Roland Koch (CDU), élu en 1999 ministre-président de Hesse grâce à une pétition hostile à la double nationalité, note Der Spiegel. M. Stoiber y a, lui, regardé la demi-finale Turquie-Brésil de la Coupe du monde de football. Chaque parti, ou presque, possède son spécialiste de la question. Au SPD, le fonctionnaire européen Ozan Ceyhun, s'inspirant des méthodes des organisations juives lors des élections présidentielles américaines, a réuni chefs d'entreprise, syndicalistes et sportifs turcs qui soutiennent "Basbakinimiz Schröder" (notre chancelier Schröder). Sur ses affiches, le candidat propose, en turc, de "construire l'Allemagne ensemble". La CDU a elle aussi édité des tracts en langue turque, bien qu'elle préconise que seuls les étrangers parlant allemand soient naturalisés.

Enfin, les candidats écument le terrain. Ils se font raser chez les barbiers du quartier turco-berlinois de Kreuzberg, fraternisent avec les supporteurs des équipes de foot, discutent, un verre de thé à la main, avec les bistrotiers musulmans, et fréquentent les mosquées. Des visites qui exaspèrent Mehmet Daimagüler, candidat berlinois du FDP. Il estime que "Ali, consommateur normal", n'est pas dupe et que les personnes récemment naturalisées n'ont que faire des discours spécifiques. Lui se contente de traduire en turc ses slogans libéraux.

Très courtisés, les Turcs naturalisés sont pourtant peu représentés. Seuls deux ou trois d'entre eux sont susceptibles d'être élus au Bundestag, dimanche. Bülent Arslan, qui s'est fait un devoir d'accompagner les candidats de l'Union chrétienne dans les mosquées pour la prière du vendredi, ne figure qu'en 45e position de la liste de Rhénanie-Westphalie.

Claire Ané

 



L'Allemagne à la veille des législatives
Les Turcs dans le grand bain électoral
La nouvelle législation a multiplié les naturalisations.
Par Odile BENYAHIA-KOUIDER
Libération

mardi 17 septembre 2002

Café turc, boulangerie turque, droguerie turque, bijouterie turque, mosquées sunnite et alévie... Les Turcs eux-mêmes ont surnommé ce quartier de Cologne la «petite Istanbul». Près d'un tiers des 40 000 habitants de Mülheim est d'origine étrangère. Quand la nouvelle loi sur la naturalisation est entrée en vigueur en 2000, le hall de la mairie d'arrondissement a été pris d'assaut. 1 325 étrangers ont demandé le passeport allemand. Depuis, les ardeurs se sont calmées : 645 demandes en 2001, 458 depuis le début de l'année. Cette nouvelle loi qui a instauré le passage du droit du sang au droit du sol (lire page suivante) a constitué une véritable révolution. Désormais, un enfant de parents turcs né en Allemagne ne naît plus turc, mais allemand. Quarante ans après l'arrivée des premiers Gastarbeiter («travailleurs invités»), l'Allemagne a clairement décidé d'intégrer ses immigrés.

«Seconde patrie.» Appuyé contre un arbre de la Keup strasse, au coeur de la «petite Istanbul», Kemal Vuranok, 46 ans, connu dans le quartier pour ses talents de réparateur en tout genre, peste : «Schröder nous a bien eus avec sa loi. Il nous avait promis la double nationalité. Alors moi, j'avais commencé toutes les démarches. Et puis, on ne l'a pas eue !» Une Mercedes le klaxonne. Un jeune homme embrasse Kemal et lui tend l'invitation à son mariage. Après un quart d'heure de salamalecs, Kemal reprend : «Moi, je veux bien la nationalité allemande. Je vis ici depuis 1973, c'est ma seconde patrie. Mais pas question d'abandonner mon passeport turc. Je veux passer une partie de ma retraite en Turquie. Là-bas, on vit comme un roi avec 300 euros par mois.»

Enfant de la deuxième génération, son ami Etem Sagdic, la trentaine passée, s'est fait naturaliser allemand il y a un an et demi. «Je la prends, je ne la prends pas ? J'ai hésité très longtemps», raconte le jeune Kurde né à la frontière syrienne, qui travaille depuis six ans à l'usine Ford. «Pour moi, il est clair que je ne retournerai pas travailler en Turquie, et mon fils de 5 ans encore moins. Pour le moment, la nationalité allemande ne nous accorde pas grand-chose, si ce n'est qu'il ne faut plus payer les visas pour aller en France ou en Grande-Bretagne.» Et le droit de vote ? «Ça, bien sûr, sourit Etem. Dimanche, je vais voter poiur Schröder, parce qu'il ne pouvait pas nettoyer en quatre ans le merdier que Kohl a laissé en seize ans. Pour les étrangers, la CDU, c'est quand même pire.»

Tous les Turcs ne sont apparemment pas de cet avis. Pour la première fois, le parti chrétien-démocrate a soigné l'électorat turc en présentant des candidats de cette origine, comme Bülent Arslan à Düsseldorf ou Timur Husein à Berlin. Le ministre de l'Intérieur de Bavière, Günther Beckstein (CDU), a même promis la suppression du visa pour les Turcs qui viennent rendre visite à leur famille en Allemagne. «C'est purement électoraliste», estime Lale Akgün, présidente du Centre de recherche sur l'immigration de Solingen, candidate SPD à Cologne. «Aujourd'hui, il y a environ 500 000 Turcs naturalisés allemands. Dans quatre ans, ils seront deux millions. Il faut donc les soigner. Mais la CDU n'est pas allée jusqu'à mettre ses candidats turcs en position d'éligibilité.» Ce qui n'est pas le cas de cette militante SPD depuis vingt ans.

Docteur en psychologie, Lale Akgün, installée en Allemagne depuis quarante ans, sera certainement la première femme d'origine turque à entrer au Parlement. Solide et bourrée d'humour, elle a dû apprendre pour sa première campagne électorale à ravaler sa salive. «Vous n'avez pas de sang allemand, vous ne pouvez pas entrer au Bundestag», lui a asséné un électeur. «Vous avez enlevé votre foulard juste pour la photo ?», lui a demandé un autre, tandis qu'un troisième s'étonnait que son mari lui laisse faire de la politique.

Examens. Les électeurs d'origine turque, favorables à 60 % au SPD selon les sondages, sont, eux, sous le charme et pensent déjà à l'après 22 septembre. «Lale, toi qui vas être notre ambassadrice au Parlement, tu dois te battre pour que cette loi sur la nationalité aille plus loin encore», lance Ahmet Temel, président de la Fédération des travailleurs sociaux-démocrates de Duisbourg, devant une assemblée de Turcs plus intégrés les uns que les autres. «Je connais une Turque qui parle allemand sans accent à qui on a refusé la nationalité allemande, parce qu'elle ne sait pas lire», raconte Ahmet. «Inadmissible !, s'exclame la salle. Il n'y a pas d'Allemands analphabètes, peut-être ?» Dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, gouverné par le SPD, l'examen consiste simplement à lire un article de journal. Mais dans d'autres Länder, les postulants doivent être en mesure d'écrire une lettre. «Totalement discriminatoire», estime la communauté turque. Contrairement aux migrants russes ou polonais de souche allemande, les immigrés «classiques» ne bénéficient d'aucune aide financière pour les cours de langue. Pour Lale Akgün, il est clair que l'Etat allemand devrait «quasiment offrir la nationalité allemande» aux émigrés de la première génération qui ont largement contribué à la reconstruction de l'économie du pays. «Entre les frais de naturalisation et les demandes diverses au consulat turc, cela revient bien à 400 euros», raconte Vijdam Ulger, 31 ans employée à l'autorité de régulation audiovisuelle de la région. La démarche lui a pris quatre fois plus de temps qu'à ses parents, qui ont demandé la nationalité allemande il y a huit ans. Les services de l'état civil de Cologne, chargés de vérifier les pièces des dossiers de candidature, ont une réponse toute simple : le 11 septembre 2001.

Assimilation. Depuis les attentats qui ont frappé l'Amérique, l'Office de protection de la Constitution (les RG allemands) a redoublé de méticulosité. Pour les Turcs nés en Allemagne, cette assimilation entre leurs origines et les terroristes islamistes est insupportable. Si Schröder est réélu, la tâche de Lale Agkün est déjà connue : élaborer une loi contre la discrimination raciale. Cela permettrait peut-être d'interdire à la CDU de Cologne de placarder des affiches du style : «Moins d'immigration, plus de travail».


 

A Dietzenbach, Vecih Yasaner, candidat Vert, veut "donner un visage aux étrangers"

Dietzenbach (Hesse) de notre envoyé spécial

LE MONDE | 16.09.02

"Je suis la preuve vivante que l'Allemagne est un pays d'immigration." A 44 ans, Vecih Yasaner est l'un des rares candidats d'origine étrangère à se présenter aux élections législatives allemandes du 22 septembre. Inscrit en sixième position sur la liste des Verts du Land de Hesse, terre d'élection du charismatique ministre des affaires étrangères, Joschka Fischer, il ne se fait pourtant guère d'illusions sur ses chances d'accéder, dimanche prochain, au Bundestag. "Il faudrait pour cela que les Verts obtiennent sur la région plus de 10 %, ce qui est peu probable", admet-il.

Au total, sur la vingtaine de candidats naturalisés présents dans la campagne, seuls deux ou trois semblent bien placés pour décrocher un siège. "Dans le Land voisin de Rhénanie-Westphalie, Bülent Arslan se retrouve en 45e position sur la liste CDU !", persifle Vecih Yasaner. Originaire d'Antakya (sud de la Turquie), il vit depuis vingt-six ans en Allemagne. Marié à une Berlinoise et père de trois filles, il a accédé à la nationalité allemande en 1996, "après de longues et pénibles démarches administratives". Un an plus tard, il devenait conseiller municipal de Dietzenbach, cité-dortoir de la banlieue de Francfort. "Je veux, dans cette campagne, donner un visage aux étrangers vivant en Allemagne", avance-t-il dans un allemand impeccable, juste teinté d'une pointe d'accent turc.

Vecih Yasaner prend-il le contre-pied d'une croyance ancrée dans une partie de la population allemande ? En mars 2002, Edmund Stoiber, chef de file des conservateurs, affirmait que "l'Allemagne n'est pas un pays d'immigration classique". "Il est à côté des réalités, répond le candidat écologiste. Malgré 7,4 millions d'étrangers dont 2 millions de Turcs, le candidat CDU-CSU suit son électorat le plus droitier qui ne veut pas entendre parler des immigrés."

Sur les panneaux électoraux de Dietzenbach, Vecih Yasaner affiche son léger sourire et sa moustache en bataille. Ici, depuis l'adoption, en 1999, de la nouvelle loi sur la nationalité, près de 3 500 immigrés de l'agglomération ont décroché la citoyenneté allemande, soit 10 % de la population totale de la ville. Plus de la moitié d'entre eux viennent de Turquie. "Mais Vecih Yasaner aura du mal à compter sur leurs voix", estime Welmer Hoch, conseiller municipal social-démocrate chargé des questions sociales. Ici, un tiers des électeurs d'origine turque de la ville vote en faveur des conservateurs.

FAIBLE MOBILISATION

Plutôt que du côté d'un hypothétique "vote immigré", c'est donc davantage chez les partisans des Verts et du SPD qu'il faut chercher son électorat. "A cela s'ajoute la traditionnelle faible mobilisation des électeurs d'origine étrangère. Ils ne seraient guère plus de 10 % à se déplacer dans les bureaux de vote en raison d'un réel désintérêt, auquel s'ajoute un sentiment diffus de méfiance envers la politique allemande", précise Welmer Hoch.

Dans la cave du Café 33, situé en dessous du commissariat de police, Ramazan, jeune turc de 27 ans, est serveur à ses moments perdus. "Je suis né en Allemagne mais je veux garder la nationalité turque. J'aime ma culture sans pour autant être un nationaliste. Et pourquoi aller voter ? Ils sont tous pareils", lance-t-il. Vecih Yasaner ne répond pas. "Ici, j'ai beaucoup de droits, je me sens dans le système, poursuit Ramazan. Il n'y a que pour trouver du travail que les Allemands et les citoyens européens passent avant moi."

"Le gouvernement de Gerhard Schröder a fait beaucoup en quatre ans, mais il faut aller plus loin dans la politique d'intégration", estime Vecih Yasaner. "Nous devons encore davantage faciliter les naturalisations et accorder le droit de vote aux étrangers pour les élections locales", ajoute-t-il. Manifestement, l'immigration n'est pas devenue un thème majeur de la campagne pour ces législatives. Vecih Yasaner s'en réjouit au point qu'il ne désespère pas "d'immigrer un jour au Parlement de Berlin".

Nicolas Bourcier


 

Le vote des immigrés, un enjeu électoral croissant en Allemagne

Par Emma Thomasson
mercredi 18 septembre 2002

COLOGNE, Allemagne (Reuters) - Quelle que soit la participation aux élections législatives de dimanche, près de dix pour cent de la population n'ira pas voter en Allemagne, pays abritant la plus importante population immigrée d'Europe.

En tout, l'Allemagne compte près de 7,3 millions d'immigrés sur 82 millions d'habitants. Mais jusqu'à une époque récente, très peu d'entre eux satisfaisaient aux critères stricts fixés pour l'obtention de la nationalité, véritable sésame électoral.

Pendant longtemps, les hommes politiques allemands ne se sont pas préoccupés des intérêts des immigrés et pouvaient même se permettre à l'occasion d'attiser les braises de la xénophobie sans en pâtir outre mesure dans les urnes. Mais les choses pourraient bien être en train de changer.

Depuis la réforme du code de la nationalité entreprise par la coalition rouge-verte de Gerhard Schröder, en 1999, la classe politique prend la mesure de l'importance grandissante du vote des anciens "Gastarbeiter" ("travailleurs invités"), qui obtiennent aujourd'hui plus facilement la nationalité allemande.

"Je suis allemand. J'ai aussi des droits", clame Metin Kalmaz, un Turc arrivé à Cologne il y a 22 ans mais ne jouissant que depuis peu de la nationalité allemande.

Kalmaz, 42 ans, cuisinier dans une usine automobile, annonce qu'il votera pour le SPD de Gerhard Schröder parce que selon lui les chrétiens-démocrates de l'alliance CDU/CSU, emmenés par Edmund Stoiber, ont peu fait pour les étrangers.

"Lors de ces élections nous voterons pour le SPD. La CDU a beaucoup de problèmes avec les étrangers. Ils (...) ne s'intéressent pas à nos problèmes", a expliqué Kalmaz lors d'une réception donnée par le SPD, dans le centre-ville de Cologne, pour les immigrés récemment naturalisés.

"Les immigrés de première génération ont tous vécu dans des ghettos, mais il est positif que ceux de la deuxième et de la troisième génération aient des passeports allemands, afin que nos problèmes soient évoqués au parlement."

Les propos de Kalmaz reflètent les aspirations des quelque 500.000 Turcs qui ont acquis la nationalité allemande. Des sondages montrent qu'environ deux tiers des Turcs naturalisés soutiennent le SPD et que 15% d'entre eux sont en faveur des Verts, partenaires des sociaux-démocrates au sein de la coalition au pouvoir. Enfin, dix pour cent des Allemands d'origine turque soutiennent les conservateurs.

L'INTEGRATION, UN THEME NOUVEAU

Lale Akgun, une psychologue turque arrivée en Allemagne avec ses parents il y a 40 ans, est candidate du SPD dans une circonscription du centre de Cologne. Cette femme de 48 ans pourrait bien devenir après le 22 septembre le seul député allemand d'origine turque.

"J'espère que je vais créer un précédent montrant que nous appartenons aussi à la population et que en sommes des membres à part entière", dit-elle. "Nous devons faire en sorte que les immigrés bénéficient d'une meilleure éducation et d'une meilleure formation, afin qu'ils puissent briguer de bons emplois. Nous devons lutter pour être acceptés."

Susana dos Santos Herrmann, 34 ans, est née en Allemagne de parents immigrés. Elle est mariée à un Allemand et a vécu toute sa vie en Allemagne, mais ne possède que depuis deux ans et demi la nationalité allemande.

"Une société démocratique dont une proportion croissante de la population n'a pas le droit de vote ne peut être viable, parce que ses problèmes ne peuvent être traités au niveau politique", estime Hermann, consultante en relations publiques et membre du SPD.

"Nous n'avons pas encore fait ce que nous voulions mais certaines choses ont changé. Le changement le plus important a été que l'on commence à parler d'immigration et d'intégration.

"Il y a quatre ans, on ignorait ce problème et les conservateurs disaient encore qu'il fallait que les (étrangers) retournent d'où ils viennent."

Etant donné qu'un nombre croissant d'immigrés, et notamment des Turcs, acquièrent la nationalité allemande, les principaux partis politiques - y compris ceux qui, à droite, ont fait campagne contre une augmentation de l'immigration - commencent à courtiser leurs voix.

On voit apparaître des affiches et des tracts électoraux en langue turque, les Verts animent une campagne visant à aider les immigrés à acquérir la nationalité allemande, Schröder dîne avec des hommes d'affaires turcs et les conservateurs diffusent des spots à la télévision turcophone.

FORTES CONCENTRATIONS URBAINES

Lors de la réception organisée à Cologne par Akgun, le secrétaire général du SPD, Franz Müntefering, a salué la contribution faite au développement économique allemand par les travailleurs immigrés, promettant en outre que son parti faciliterait les procédures de vote pour les étrangers.

"Sans tous ceux qui sont venus dans les années 60 et 70, l'Allemagne ne serait pas devenue un pays aussi prospère", a-t-il dit.

Le nombre d'immigrés qui se sont vu accorder la nationalité allemande a augmenté de 30% en 2000 pour atteindre 186.700 personnes, grâce à la loi adoptée par le gouvernement de centre-gauche, et s'est stabilisé l'an dernier autour de 178.100 personnes.

Les Turcs sont la principale minorité étrangère en Allemagne - leur nombre total est estimé à environ 2,3 millions de personnes - et près de 500.000 d'entre eux jouissent de la nationalité allemande.

Mais si les Allemands d'origine turque ne représentent encore que moins d'un pour cent de l'électorat, les analystes estiment que leur vote pourrait se révéler crucial, surtout dans certaines villes où ils vivent en fortes concentrations, telles que Berlin, Hambourg, ainsi que dans la région de la Ruhr (Ouest).

Selon Dirk Halm, du Centre d'études turques de l'université d'Essen, cette configuration particulière, la concentration du vote immigré dans de grands centres urbains, confère beaucoup d'importance à ce dernier. Friedrich Heckmann, directeur du Forum européen pour les études sur les migrations, à l'université de Bamberg, abonde dans ce sens.

"Les immigrés n'ont jamais eu autant de poids ici qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, mais dans certaines grandes villes, cela pourrait changer, et ils pourraient vraiment modifier l'équilibre électoral", estime-t-il.

Halm trouve étonnant que de nombreux Allemands d'origine turque soutiennent encore le SPD mais a reconnu que les conservateurs se sont aliéné beaucoup d'entre eux en s'opposant, en 1999, à la nouvelle loi sur la citoyenneté, ainsi que, cette année, à une importante réforme des lois sur l'immigration.

Les analystes estiment que les sociaux-démocrates et les Verts ne doivent pas se reposer sur leurs acquis. Ils devront lutter pour continuer à attirer les votes des immigrés, notamment à mesure que ces derniers s'intègrent à la société allemande, adoptant des comportements électoraux semblables à ceux du reste de la population.