BAVURE POLICIERE ?

 

Un Turc de Goussainville accuse des policiers de l'avoir roué de coups, le soir du réveillon
 
Le visage tuméfié de Yücel Yildiz a mis la communauté turque d'Ile-de-France en émoi. Sa photo a été publiée en première page de Yeni Yorum, le mensuel culturel des 200 000 Turcs de France, et dans le quotidien national Hürriyet du 14 janvier, sous un titre fustigeant "la violence sans pitié des policiers français". M. Yildzin, un Turc de 30 ans qui réside à Goussainville (Val-d'Oise), affirme avoir été roué de coups par une dizaine de policiers au cours du réveillon de la Saint-Sylvestre. Son témoignage a incité le consulat général de Turquie à "demander des éclaircissements sur cette affaire très regrettable" à la préfecture et à la mairie de Goussainville. Le parquet de Pontoise et la préfecture ont ordonné l'ouverture d'une enquête, confiée à la cellule disciplinaire de la direction départementale de la sécurité publique, qui va auditionner quarante personnes.

M. Yildiz, qui vit en France depuis vingt ans, venait de sortir de chez des amis de Goussainville où il avait passé le Nouvel An quand il s'est retrouvé, dans la rue, vers 4 h 45, "au milieu de plusieurs dizaines de personnes qui couraient dans tous les sens avec des policiers derrière". Yücel explique avoir "paniqué"avant de prendre la fuite "pour sauver -sa- peau". Rattrapé, il a été mis à terre, puis menotté. "Ils me sont tombés dessus à dix, se souvient-il. Ils se sont défoulés sur moi à coups de matraques et à coups de pieds." Il a compté "sept ou huit coups dans la tête" puis s'est évanoui. Il s'est réveillé dans une voiture qui roulait vers le commissariat de Goussainville. "La voix des policiers résonnait dans ma tête. Je n'entendais plus de l'oreille gauche. Je sentais le sang qui dégoulinait de ma nuque vers mon dos. J'étais dans les vapes."

A 6 heures, il a été conduit à l'hôpital de Gonesse où un médecin lui a recousu le cuir chevelu de six points de suture, alors qu'il était menotté dans un fauteuil roulant et encadré par deux policiers. Il a quitté l'hôpital sans examen complémentaire, sans certificat médical ni arrêt de travail, "parce qu'il n'en a pas fait la demande", indique l'établissement. Yücel a ensuite été conduit au commissariat de Gonesse où il a été mis en garde à vue pour "outrage", comme l'indique la direction nationale de la police nationale. Il aurait "engueulé les policiers d'une manière un peu grasse, avant que sa tête heurte le sol lors de son plaquage".

Il s'est à nouveau évanoui dans les locaux de police. A 9 heures, un médecin est venu l'examiner. Son état n'a pas été jugé grave et il a été remis en cellule où il est resté jusqu'à sa sortie, à 12 h 30. Les médecins n'ont découvert son tympan percé que lors d'un dernier examen médical, dans l'après-midi. Yücel s'est alors vu prescrire une interruption totale de travail de vingt jours. Il a fait l'objet d'un suivi psychologique. Le lendemain, il est retourné au commissariat pour porter plainte. "Vous vous êtes trouvé au mauvais endroit au mauvais moment", lui a répondu un officier.

Très vite, la nouvelle s'est répandue dans la communauté turque du département. "J'ai passé trois jours à calmer les jeunes pour éviter des débordements, soupire Recep Avdan, vice-président de l'association culturelle turque de Goussainville, qui a assisté Yücel dans toutes ses démarches. Toutes nos associations de la région sont au courant. Même si les jeunes font parfois des bêtises, les policiers doivent arrêter de se comporter comme des cow-boys." Dans l'attente du résultat de l'enquête, le député et maire (PS) de Gonesse, Jean-Pierre Blazy, déplore que cette affaire, qui "ressemble à une bavure", puisse "donner une image de la police qui n'est pas la meilleure".

Alexandre Garcia

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU MONDE DU 25.01.03