KARDES TÜRKÜLER

 

Musique
A Paris, Kardes Türküler ressuscite le folklore turc avec des arrangements modernes.
L'emprise des chants ottomans

Par Nidam ABDI (LIBERATION)
Le lundi 11 mars 2002

Kardes Türküler
Ce soir à 20h30 au théâtre Dejazet,
41, bd du Temple 75003 Paris. Métro République, 01 44 83 93 29. CD: «Dogu Kalan»/distribution TMC.

Troupe de douze à seize membres, Kardes Türküler (Chants fraternels) est en train de bouleverser le paysage musical turc, jusque-là divisé entre Orient mythique et Occident moderne. Depuis 1993, ces enfants de la classe moyenne fouillent les archives pour exhumer tout ce que la «nation» recèle de répertoire ethnique, effacé de la mémoire collective depuis l'arrivée au pouvoir d'Ataturk il y a 80 ans, et l'adapter au goût du jour.

Etudiants.
Il y a dix ans, Vedat Yildirin, originaire d'Ankara, Diler özer, fille d'un fonctionnaire d'Izmir, et Riza Oksu viennent à Istanbul pour suivre des études de maths, de théâtre et d'informatique. Ils adhèrent à Kardes Türküler, «troupe folklorique parmi les dizaines qui vivotent dans les campus universitaires» selon l'informaticien Riza Oksu, bassiste. «Ces ensembles étaient ennuyeux, alors que notre société voyait d'un côté monter l'intolérance et, de l'autre, découvrait les anciennes républiques turques avec la fin de l'URSS. On a décidé de bousculer les préjugés pour renforcer l'image d'une Turquie cosmopolite.» Les étudiants vont écumer souks, bibliothèques et tiroirs familiaux afin d'y dénicher tous ces précieux 78 tours de chants laz de la mer Noire, de Macédoine, d'Alévite, d'Arménie, de Grèce...

Leur premier grand concert a eu lieu à l'université Bogaziçi en 1995. Stupéfait par la facilité avec laquelle ces jeunes interprètent des titres méconnus du vieux répertoire national, Feryal öley (célèbre chanteur azéri) favorise le lancement de Kardes Türküler. Les concerts se multiplient, la troupe se professionnalise et la sélection pour l'intégrer devient draconienne.

Genre arabesque.
En 1997, lors de la sortie de l'album Bogaziçi Gösteri, «le public du genre arabesque (musique urbaine, à l'instar du raï, née dans les bidonvilles stanbuliotes des années 70) est estomaqué par notre reprise de la chanson Fadiké», disent-ils. Pris en main par le producteur Hassan Saltik, qui a fait redécouvrir les musiques anciennes de Turquie, les Kardes Türküler voient leur premier disque se vendre à 130 000 exemplaires, puis le deuxième, Dogu, à 200 000, deux années plus tard. Le groupe a réussi à fédérer un public jeune, fasciné de voir une bande d'(ex-)étudiants adapter ces musiques rurales au goût urbain des bords du Bosphore.