A la recherche d'une civilisation disparue sous la Mer Noire

VARNA (Bulgarie), 11 août (AFP) - Une expédition américano-bulgare se lance depuis le port bulgare de Varna à la recherche des vestiges d'une civilisation antérieure à celles d'Egypte et de Mésopotamie, disparue sous la Mer Noire pendant une inondation gigantesque il y a 7.600 ans.
Le navire bulgare "Akademik" explorera du 15 au 31 août au moyen de sonars les traces des embouchures des rivières Provadiyska (nord) et Kamtchia (sud) dans le lac d'eau douce que fut jadis la mer Noire, et le long desquelles devraient se situer des localités.
Un robot télécommandé actuellement en construction, "Hercules", examinera en détail les sites trouvés au cours d'une nouvelle expédition en 2003.
Le projet est dirigé par le géologue américain Robert Ballard qui a découvert en 1985 les vestiges du Titanic dans l'Atlantique, et qui vérifie actuellement l'hypothèse selon laquelle le Déluge biblique s'est produit dans la mer Noire.
"Nous cherchons des preuves d'habitations humaines" où des hommes auraient vécu avant l'inondation qui transforma un lac d'eau douce en mer salée, l'actuelle mer Noire. "Nous ne pensons pas que l'Arche de Noé puisse être retrouvée", même si cette inondation a pu donner naissance à la légende biblique du Déluge, a déclaré Robert Ballard à l'AFP.
Pour le professeur de géologie Petko Dimitrov, chef de l'expédition du côté bulgare, le Déluge biblique devrait être confirmé par deux éléments: les preuves de la catastrophe et des traces d'une civilisation que celle-ci aurait effacée.
"Des sédiments organiques qui se forment en cas de catastrophe écologique ont été retrouvés. Ils datent d'il y a 7000-8000 ans, époque du Déluge décrit par la Bible".
D'autre part "l'ancien littoral, celui du lac, a été retrouvé et il est naturel de croire qu'il fut peuplé", a-t-il ajouté.
Des inondations se sont produites partout dans le monde, mais en mer Noire ce fut "l'inondation des inondations", a déclaré M. Ballard. La différence des niveaux de l'ancien lac d'eau douce et de la Méditerranée a fait qu'après la fonte des glaciers à la fin de l'ère glacière, l'eau de la Méditerrannée déferla au-delà du Bosphore à une vitesse 200 fois supérieure à celle des chutes d'eau du Niagara, a-t-il expliqué.
Deltcho Solakov, chercheur à l'Institut bulgare d'océanologie, a rappelé que selon la Bible l'Arche de Noé s'échoua au mont Ararat, dans le Caucause, au sud de la Mer Noire.
L'existence d'une civilisation antérieure à celle de l'Egypte et de la Mésopotamie est déjà attestée par une nécropole néolithique découverte en 1972 près de Varna et comportant "la plus ancienne tombe découverte à ce jour en Europe et le plus ancien trésor d'or du monde", a indiqué M. Dimitrov.
Datée de 4600 à 4200 av. J.-C., la nécropole exposée au musée archéologique de Varna, contient 294 tombes avec environ 3.000 objets en or d'un poids total de plus de 6 kg, 200 objets en cuivre et de nombreux outils en silex et en pierre, objets de culte et de rites funéraires. La tombe la plus riche est celle d'un homme âgé de 40 à 50 ans, chef de tribu ou prêtre, enterré avec 900 objets en or.
Par ailleurs une expédition bulgaro-russe a découvert en 1985, enseveli au fond de la mer Noire, un récipient en argile parfaitement rond et portant une inscription que l'on a pas encore su déchiffrer, surnommé par les archéologistes "le bol de Noé".
M. Ballard explique que la mer Noire, dont la profondeur dépasse 2000 m, est "le meilleur endroit pour trouver des bateaux parfaitement préservés" et d'autres vestiges en bois.
Partout dans les océans l'oxygène pénètre jusqu'au fond porté par l'eau froide dense et lourde issue des glaciers des pôles. "La mer Noire constitue un réservoir auquel cette eau n'a pas accès car elle n'est reliée à la Méditerranée que par l'étroit détroit du Bosphore. La vie n'y existe qu'à une profondeur de 85 à 750 m, et un bateau coulé demeure parfaitement préservé car aucun micro-organisme susceptible de le détruire n'y a accès. Déjà l'année dernière une expédition Ballard, près de Sinap, en Turquie, a découvert des bateaux en bois vieux de 1.500 ans.
Pour Robert Ballard, il reste beaucoup à explorer. Actuellement "nous disposons de meilleures cartes de la planète Mars que de la mer Noire", constate-t-il.

samedi 11 aout 2001, 5h25