UNE SECRETAIRE D'ETAT TURQUE AUX PAYS-BAS
Pays-Bas : Nebahat Albayrak devient secrétaire d’Etat |
AP
Publié le 22 février 2007 |
mercredi 21 février 2007
AMSTERDAM (AP) - Le gouvernement néerlandais s’ouvre aux personnalités issues de l’immigration. Deux nouveaux secrétaires d’Etat vont prêter serment jeudi aux Pays-Bas. Ahmed Aboutaleb est le fils des Marocains, Nebahat Albayrak est née en Turquie.
Conseiller municipal, le premier sera secrétaire d’Etat aux affaires sociales. A 45 ans, il est surtout connu pour sa farouche opposition aux extrémistes. Il avait appelé à la tolérance mutuelle après le meurtre du cinéaste Theo Van Gogh par un islamiste en novembre 2004. La seconde, parlementaire âgée de 38 ans, occupera le secrétariat d’Etat à la Justice.
Pour la première fois de leur histoire, les Pays-Bas vont ainsi se doter de ministres musulmans. Ahmed Aboutaleb et Nebahat Albayrak vont partie de ces immigrants bien intégrés, qui s’appellent les "Nouveaux Néerlandais". Beaucoup d’entre eux ont grimpé en politique ou dans les affaires à un moment de crise ethnique et de doute sur la capacité de la nation à absorber sa minorité musulmane.
Dans le même temps, leur rareté au sommet de la hiérarchie démontre la difficulté de pénétrer l’élite. Environ un million des 16 millions de citoyens néerlandais sont issus de familles musulmanes. Sans aller jusqu’aux exemples d’Ahmed Aboutaleb et Nebahat Albayrak, beaucoup de Néerlandais issus de l’immigration sont parvenus à tirer leur épingle du jeu, à des niveaux moindres, en politique et dans les affaires.
"Ceci est la nouvelle Europe, et les Pays-Bas montrent l’exemple", estime Sadik Harchaoui, un Marocain qui dirige l’Institut national du développement multiculturel à Utrecht. "C’est le moment pour les citoyens néerlandais issus de l’immigration de prendre ce type d’emploi, pas seulement au sein du gouvernement, mais dans les affaires", note-t-il. "Dans 15 à 20 ans, ce sera une chose normale".
Lors des élections municipales de l’an dernier, le nombre de conseillers municipaux originaires de la Turquie ou du Maroc a progressé de 62%, passant de 139 à 223. Au Parlement, leur nombre a grimpé de cinq à sept, sur 150 sièges.
Aboutaleb et Albayrak sont tous deux membres du Parti travailliste. La jeune femme, âgée de 38 ans, est originaire de Turquie. Elle est arrivée aux Pays-Bas avec ses six frères et soeurs alors qu’elle avait 18 mois. Ses parents étaient arrivés trois ans plus tôt pour travailler, avec l’intention de retourner au pays quand leurs enfants auraient reçu une éducation. Ils sont restés.
Elle a rejoint le parti alors qu’elle était étudiante, a obtenu un diplôme en droit international, avant d’être élue au Parlement en 1998. Lors des élections de novembre dernier, elle était numéro deux sur la liste des candidats, derrière le chef du mouvement, Wouter Bos.
Ahmed Aboutaleb a quitté son pays à 15 ans avec sa mère et ses frères pour rejoindre leur père, venu aux Pays-Bas quelques années plus tôt. Il a étudié les télécommunications et a travaillé pour la télévision. "J’ai laissé derrière moi une petite maison sans électricité ni eau courante, une vache, un âne et quelques pierres", confie-t-il au sujet de son ancienne demeure.
Après la mort de Theo Van Gogh, il avait prononcé un discours dans une mosquée d’Amsterdam, appelant à la tolérance mutuelle et insistant sur la nécessité d’accepter les valeurs de la société néerlandaise. "Quiconque ne partage pas ces valeurs devrait en tirer les conclusions et partir", avait-il lancé. Lui-même menacé de mort, il fait désormais l’objet d’une protection policière permanente.
Pressenti pour un ministère, Ahmed Aboutaleb a fait les frais de négociations au sein de la coalition. Le Parti chrétien-démocrate a obtenu le ministère des Affaires sociales qu’il convoitait.