NOEL ET LES MUSULMANS

 


RELIGION : La signification de Noël pour les non-chrétiens

Une fête aussi pour les musulmans

PAR MUSTAPHA BENCHENANE*
[26 décembre 2002] - Le Figaro

Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a eu le grand mérite de poursuivre et de mener à son terme le travail commencé par ses prédécesseurs. Bien que la décision de créer le Conseil français du culte musulman n'ait pas été prise sans contestation, cette organisation a au moins, dorénavant, le mérite d'exister. Noël pourrait être pour elle l'occasion de donner à ses réflexions et à ses prises de position une orientation résolument constructive, tolérante, fraternelle à l'égard, notamment, des chrétiens.

Sait-on, en effet, que Marie et Jésus ne sont pas des étrangers pour l'islam ? Ils tiennent tous les deux une place éminente dans le Coran, qui est, pour les musulmans, la parole de Dieu.

Le texte sacré des musulmans affirme que Dieu envoya des anges pour informer Marie du destin qu'Il a voulu pour elle. Dieu ordonna à Mohamed : «Et rappelle quand les anges dirent : «Ô Marie ! Allah t'a choisie et purifiée. Il t'a choisie sur toutes les femmes de ce monde» (1). Le Coran confirme les circonstances de la conception de Jésus, «Verbe» de Dieu. De nouveau, il est fait injonction à Mohamed : «Rappelle quand les anges dirent : «Ô Marie ! Allah t'annonce un Verbe émanant de Lui, dont le nom est le Messie, Jésus fils de Marie, qu'il sera illustre dans la vie Immédiate et Dernière et parmi les Proches du Seigneur» (2).

La virginité de Marie est ainsi reconnue et confirmée par un autre verset : «Seigneur !, répondit Marie, comment aurais-je un enfant alors que nul mortel ne m'a touchée ?» «Ainsi, répondit-Il, Allah crée ce qu'il veut. Quand il décrète une affaire, Il dit seulement à son propos : «Sois !» et elle est» (3). Dans la sourate XXI, il est de nouveau demandé au Prophète de l'islam : «Et fais mention de celle restée vierge en sorte que nous soufflâmes en elle de Notre Esprit et Nous fîmes d'elle et de son fils un signe pour le monde» (4).

Le Coran reconnaît Jésus comme prophète et Mohamed n'a pas une qualité supérieure à la sienne. Le prophète de l'islam est un homme chargé de transmettre le Message, un avertisseur désigné pour confirmer les Messages transmis, avant lui, par les autres prophètes. «Dis : Je suis seulement un mortel comme vous» (5). Dans la sourate XVII, sa mission est clairement définie : «Nous ne t'avons envoyé que comme Annonciateur et Avertisseur» (6).

L'islam reconnaît Jésus comme prophète et non comme «fils de Dieu». La raison en est que, pour les musulmans, Dieu est une abstraction. Il n'a pas été enfanté et Il n'enfante pas. Cela n'enlève rien à la véracité et à l'impact du Message délivré par Jésus, Message dans la continuité duquel se place la religion des musulmans : «Dites : «Nous croyons en Allah, à ce qu'on a fait descendre vers nous et à ce qu'on a fait descendre vers Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob, et les Douze Tribus, à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus, à ce qui a été donné aux Prophètes venant de leur Seigneur. Nous ne distinguons point l'un d'entre eux. Au Seigneur nous sommes soumis» (7).

La relation des musulmans avec les juifs et les chrétiens doit s'établir sur un mode pacifique : «Ne discute avec les gens du Livre que de la manière la plus courtoise sauf avec ceux d'entre eux qui sont injustes. Dites : «Nous croyons à ce qui est descendu vers vous. Notre Dieu qui est votre Dieu est unique et nous Lui sommes soumis» (8). Le Coran pousse la reconnaissance des autres religions monothéistes encore plus loin, puisque, dans le doute, le croyant peut interroger les autres Ecritures : «Si tu es dans le doute sur ce qui t'a été envoyé d'en haut, interroge ceux qui lisent les Ecritures envoyées avant toi» (9). Sachant que les «asso cia teurs» à l'égard desquels le Coran est particulièrement sévère sont les polythéistes et non les chrétiens.

Certes, il existe dans le Coran des versets agressifs à l'égard des juifs et des chrétiens. Cela s'explique par le contexte de l'époque, au moment où les musulmans, ayant quitté La Mecque, où ils étaient persécutés par les polythéistes, s'installèrent à Médine. Là, l'islam s'est consolidé, et, aspirant à se développer, il s'est heurté aux intérêts légitimes des autres religions monothéistes. Il est donc important de souligner le caractère conjoncturel de ces versets, et de mettre en relief ce qui permet aux hommes de vivre en paix ensemble.

Tel est le message d'affection que les associations et organisations musulmanes doivent diffuser auprès de leurs adhérents et en direction de tous ceux qui se réclament de l'islam en France. C'est à cette condition qu'existera un islam de France qui fêtera Noël parce qu'il se sentira concerné par cet événement et cet avènement qu'est la naissance de Jésus.

* Politologue à la faculté de droit de l'Université René-Descartes (Paris-V). Directeur de séminaire au Collège interarmées de défense (CID).

(1) Sourate III, La famille d'Imrân, verset 37/42.

(2) Sourate III, verset 40/45.

(3) Sourate III, verset 42/47.

(4) Sourate XXI, Les Prophètes, verset 91.

(5) Sourate XVIII, La Caverne, verset 110.

(6) Sourate XVII, La Caverne, verset 105/106.

(7) Sourate II, La Génisse, verset 130/136.

(8) Sourate XXIX, L'araignée, verset 45/46.

(9) Sourate X, Jonas, verset 94.

(Traduction du Coran par Régis Blachère.)