CODE PENAL
Une réforme du code pénal provoque l'ire des organisations féministes
Un projet de réforme du code pénal du gouvernement turc a provoqué une levée de boucliers des organisations féministes qui le jugent en deçà des normes européennes et de nature à renforcer la suprématie de la gente masculine dans une société musulmane et patriarcale.
Ces organisatins s'insurgent notamment contre les réductions de peine pour "crimes d'honneur" et la possibilité pour un violeur d'échapper à la prison s'il épouse sa victime.
Le projet du parti de la Justice et Développement (AKP, issu d'un parti islamiste), au pouvoir, vise en fait à réécrire l'ensemble du code turc adopté en 1926, trois ans après la fondation de la République de Turquie laïque sur les ruines du vieil empire ottoman théocratique.
Immédiatement après avoir été soumis à la commission de la justice du parlement, le projet a été vilipendé par nombre d'organisations de défense de droits des femmes, ce qui a entraîné la création d'une sous-commission, chargée d'écouter les nombreuses plaintes.
Les féministes s'opposent surtout à ce que la femme, contrairement à l'homme, fasse l'objet d'une définition précise dans le nouveau code, notamment dans le chapitre intitulé "atteinte à la pudeur".
"C'est d'emblée une discrimination contre les femmes. La femme est présentée comme un être sans défense qui doit être placée sous les ailes de la société", explique à l'AFP Sema Kendirci, la présidente de l'Union des femmes turques (TKB), une des plus anciennes associations féministes de Turquie.
"Il est honteux que la Turquie veuille frapper à la porte de l'Europe avec ce nouveau code", martèle cette avocate qui lutte depuis des années pour l'égalité des sexes.
La Turquie qui souhaite adhérer à l'Union européenne (UE) a adopté plusieurs réformes dans le domaine des droits de l'homme ces dernières années et a aboli notamment une loi prévoyant des réductions de peine pour les "crimes d'honneur", fréquentes notamment dans l'est et le sud-est anatolien.
Il n'est pas rare qu'une jeune femme soit sauvagement assassinée après une décision du "conseil de famille" par l'un de ses proches pour le seul fait d'avoir manifesté une attention pour le moins chaste à un homme.
Mais dans le nouveau projet, une disposition laisse aux juges le pouvoir de se prononcer pour une réduction de peine en cas de "provocation grave" ayant suscité le meurtre d'une femme.
"Un meurtre c'est un meurtre et un juge doit prononcer le même verdict dans l'ouest que le sud-est du pays", s'indigne Mme Kendirci.
Une autre disposition très controversée du projet porte sur le viol. Un homme accusé de viol peut voir sa peine carrément annulée par la justice s'il consent à épouser sa victime. En cas de viol collectif, si l'un des violeurs épouse la victime, les autres seront exemptés de poursuites.
Le violeur devra cependant rester marié au moins cinq ans.
En outre, le violeur d'une femme mariée écopera d'une peine plus sévère que celui d'une femme "vierge", en l'occurence célibataire, et ce pour protéger l'honneur bafoué de son époux.
Le nouveau code introduit aussi de nouvelles dispositions en faveur des femmes, comme une peine d'un an de prison pour un époux qui abandonne le domicile familial, et des peines plus sévères contre la polygamie, interdite mais fréquente dans la société turque.
Pour Mme Kendirci il s'agit d'une "farce" qui ne change en rien le côté discriminatoire du projet qui devrait être débattu et voté vers la fin de l'année au parlement où l'AKP dispose d'une forte majorité.
(AFP, 24 octobre 2003)