SCHEHERAZADE
L'Express du 09/10/2003
Lyon
Les mille et une facettes de Schéhérazade
par Jean-Emmanuel Denave
Le Muséum d'histoire naturelle présente une séduisante exposition consacrée à l'univers du harem, pourfendant, au passage, bien des clichés
Murmures de fontaines, parfums enivrants, corps sensuels de femmes nonchalamment étendues... Voilà quelques-unes des images que suscite, dans nos esprits occidentaux, la seule évocation du mot «harem». «Mais il s'agissait en fait d'une prison, un lieu où les femmes étaient enterrées vives», rappelle Fatema Mernissi, docteur en sociologie enseignant à l'université de Rabat, au Maroc, et commissaire de l'exposition.
«Dans le monde contemporain, les rapports entre l'Orient et l'Occident ne sont pas simples. Il y a souvent incompréhension entre nos cultures et cette exposition permet de s'ouvrir à une réalité qu'on ignore ou qu'on ne connaît qu'à travers des filtres ou, pire, des stéréotypes», souligne Michel Côté, directeur du Muséum. Tel est donc le but de Fantaisies du harem et nouvelles Schéhérazade, qui confronte les représentations occidentales et orientales de la femme musulmane.
A travers le prisme du harem, la scénographie invite à un voyage parmi 130 oeuvres et documents exceptionnels. Les Femmes d'Alger, de Delacroix et de Picasso, les odalisques de Fortuny, de Boucher, de Gérôme et bien d'autres chefs-d'oeuvre font face à des miniatures perses, turques et mogholes. Ces dernières décrivent les exploits de l'héroïne Shirin, des scènes d'amour où le sexe fort n'est pas celui qu'on croit, les activités spirituelles au sein des gynécées... Le contraste est saisissant!
Plus loin, l'Odalisque à la culotte rouge, de Matisse, est opposé aux archives et aux photographies retraçant la fin des harems, puis l'accès des femmes à de hautes fonctions, dans la république d'Atatürk (surnom du premier président de Turquie, en 1923, signifiant le Père des Turcs). Enfin, un dernier volet est consacré aux nouvelles Schéhérazade (comme les photographes Janane Al-Ani et Shadi Ghadirian, la plasticienne Ghada Amer...), des artistes qui réinventent l'image de la femme orientale.
Ouverte à d'autres cultures, en lien avec l'actualité, métissant les disciplines, cette exposition préfigure la muséographie novatrice du futur musée des Confluences (qui sera inauguré en 2007). Si la richesse d'une exposition est d'offrir plusieurs niveaux de lecture, le pari semble ici réussi.
Muséum d'histoire naturelle, Lyon (Rhône). Jusqu'au 4 janvier. 2,30 euros.