LES ENTREPRISES TURQUES ET L'ECONOMIE ALLEMANDE


L'Allemagne reconnaît son besoin de travailleurs immigrés

BERLIN (AFP) - L'Allemagne a admis vendredi que son économie avait un besoin urgent de travailleurs étrangers, en se dotant d'une loi sur l'immigration. Les immigrés turcs, présents depuis 40 ans dans ce pays, n'avaient pas attendu cette ouverture pour se lancer de plus en plus nombreux dans les affaires.

Le Bundesrat, la chambre haute du parlement où siègent les Länder (Etats régionaux), a adopté après cinq heures d'un débat houleux le projet de loi présenté par le gouvernement social-démocrate (SPD)/Vert, destiné à contrôler l'immigration pour l'adapter aux besoins de l'économie allemande, malgré l'opposition acharnée des conservateurs qui dénoncent un texte ouvrant, selon eux, les vannes aux immigrants.

Loin de la niche ethnique dans laquelle on les avait cantonnés -vendeur de Doener, le sandwich turc composé de viande de mouton et divers légumes, ou petit épicier- ils sont aussi de plus en plus présents dans les branches les plus innovantes comme l'informatique ou les télécommunications.

Selon le Centre pour les études turques (ZFT) d'Essen (ouest), le nombre d'entreprises turques a plus que doublé entre 1985 et 2001, passant de 22.000 à 60.000. "Leur part dans l'économie allemande n'est plus un petit facteur", ajoute le ZFT, qui précise que ces entreprises emploient quelque 330.000 personnes dont 52.000 Allemands et réalisent un chiffre d'affaires de plus de 29 milliards d'euros.

Quiagen, la plus grande réussite d'entreprise bio-technologique d'Allemagne, a été fondée par un Turc, Metin Colpan. Santex, une entreprise textile qui emploie 2.000 personnes, est également dirigée par un Turc, Kemal Sahin.

Rien qu'à Berlin, où l'on compte la plus forte communauté turque d'Allemagne avec 160.000 personnes, les pages jaunes turques dénombrent plus de 5.000 entreprises qui emploient 20.000 personnes dans 90 branches différentes.

"Manolya", numéro un des magasins spécialisés dans la distribution de matériel électronique et d'électroménager dans la capitale allemande, est de ce nombre. Son patron, Sabahattin Sari incarne l'image du self-made-man.

Cheveux et moustaches poivre et sel, il reçoit dans le bureau immense qu'il partage avec sa femme, à Wedding, un quartier populaire du nord de Berlin, pour raconter une ascension à laquelle il n'avait pas osé rêver.

Arrivé de Turquie à la fin des années 1970 pour suivre des cours de gestion d'entreprise, il doit abandonner ses études sans diplôme faute d'argent. Mais plutôt que de chercher un emploi, il décide en 1982 de créer sa propre société et de commercialiser de l'électronique, un domaine qui a de l'avenir, estime-t-il.

Avec l'aide de ses amis et un emprunt bancaire de 5.000 euros, il monte son premier magasin. "Au début, je devais exposer mon propre mobilier pour faire croire à l'abondance", sourit-il. La suite sera fulgurante.

Avec une politique de prix agressive pour des produits de qualité qui conquiert une clientèle exigente mais en quête de bonnes affaires, il réalise au bout de trois ans son premier million de marks (511.291 euros) de chiffre d'affaires.

En 1990, au lendemain de la chute du Mur de Berlin, il ouvre un second magasin qui profitera de l'afflux des clients de l'est de la ville en quête d'équipement mais qui disposent d'une bourse réduite.

Aujourd'hui, avec quatre magasins, il réalise 76,6 millions d'euros de chiffre d'affaires, emploie 45 personnes, forme sept jeunes gens, dispose de deux grands entrepôts, d'une société de livraison, d'une boutique internet et de clients à travers toute l'Europe et jusqu'en Turquie et en Iran.

La clé de sa réussite, affirme M. Samir, réside dans le fait que dans ses magasins on peut marchander, "comme au bazar". "Si quelqu'un offre moins cher que moi, je suis toujours prêt à m'aligner".

samedi 23 mars 2002, 16h19