"UZAK" EN ROUTE POUR LE PALMARES


« Uzak », le Turc, en route vers le palmarès
DE notre envoyé spécial. –

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La première bonne surprise
Là-dessus, c’est de Turquie que surgit la première grande surprise de la semaine. Uzak, un film dont on sait déjà qu’il mérite d’être récompensé, ici ou ailleurs, par un prix de la mise et scène et que son principal interprète, lui aussi, s’inscrit – dès aujourd’hui – dans le camp très retranché des acteurs qui paraissent toujours ne rien faire et se révèlent capables d’exprimer par un geste, un mouvement ou un regard, les plus subtiles émotions. Il en était ainsi de Mastroianni. Il en est de même de ce Muzaffer Ozdemir, le Mahmut du troisième et magnifique long métrage de Nuri Bilge Ceylan.
C’est avec une grande économie de moyens et une confiance absolue en ses comédiens que ce cinéaste de 44 ans choisit de s’immiscer dans le quotidien d’un homme qui a raté sa vie et gâché celle de ses proches. Sans même s’en rendre compte. Il lui faudra en écorcher une autre, celle d’un jeune cousin un temps réfugié chez lui, pour prendre conscience trop tard de son égoïsme et de sa médiocrité.
D’évidence, Nuri Bilge Ceylan vénère Tarkovski et partage avec Jim Jarmush un humour à froid dont il n’est pas avare durant toute la première partie de ce film qui de la Turquie moderne livre une vision balayant bien des clichés.
Ainsi, on n’oubliera pas de sitôt Istanbul sous la neige ; un sens du non-dit, du hors-champ, de l’arrière-plan, de la profondeur de champ, tout ce qui mieux que des dialogues définissent un climat, un caractère, un état. Le remords... la douleur... la colère... l’incompréhension... l’obscurité et la lumière. Simple, humain, vrai et, de fait, absolument bouleversant. Tel est cet Uzak qui ne devrait pas déplaire au juré Soderbergh.

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Philippe LAGOUCHE

La Voix du Nord, 18.05.03