UE, TURQUIE, DÖNER et KOKOREC
Avec ou sans l'UE, les Turcs continueront de manger döner et kokoreç
(AFP, 19.08.03) - Les Turcs n'entendent pas de sitôt renoncer à leurs friandises culinaires, même s'il faudra à l'avenir respecter les sévères normes sanitaires européennes pour ce qui est de leurs précieux kebabs.
Le doner --viande d'agneau et de boeuf grillée verticalement et servie en fines tranches-- est un véritable phénomène de société dans ce pays musulman candidat à l'adhésion à l'Union européenne.
Vendu dans des échoppes ou les restaurants les plus luxueux, il est l'un des plats préférés des Turcs, exporté aux quatre coins du monde, et est consommé comme un fast-food presque à n'importe quelle heure du jour.
Le kokorec qui consiste en brochettes de tripes d'agneau grillé attire également de nombreux amateurs dans les grandes métropoles de l'ouest du pays.
Mais, surtout pendant la période estivale, la vente de ces mets dans les rues comporte certains dangers pour la santé publique en raison de fortes chaleurs si les normes sanitaires ne sont pas respectées, avertissent les spécialistes.
Depuis que la Turquie a été officiellement déclarée candidate à l'UE en 1999, la presse turque ne cesse d'avancer que le kokorec est menacé d'extinction, car l'UE aurait interdit la vente d'abats en raison de l'épidémie de la vache folle, ce qui a provoqué un véritable débat dans la société très conservatrice, notamment lorsqu'il s'agit de sa sacro-sainte cuisine.
"L'Europe doit se faire au kokorec. Il n'y aura pas de retour en arrière", affirme fièrement Mehmet Aztekin, le président de l'association des petits restaurateurs d'Ankara.
Il n'est pas contre le fait que les normes de santé soient renforcées, mais interdire le kokorec est purement et simplement "chose impossible" pour lui.
"L'UE ne veut pas de produits vendus dans les rues, soit. Mais l'interdire, ce n'est pas possible", assure-t-il.
L'UE tente de son côté de rassurer les Turcs en expliquant qu'il ne s'agit pas d'interdire le kokorec, mais de le rendre plus "propre" pour le consommateur, comme en Grèce, un membre de l'UE, où les entrailles d'agneaux sont consommées pendant la traditionnelle Pâques orthodoxe, souligne un responsable de la représentation européenne à Ankara.
"Moi aussi je mange du kokorec et il ne sera pas interdit", ajoute ce diplomate qui explique qu'un système perfectionné de délivrance de permis pour la vente de la nourriture vendue dans la rue devrait être mis en place pour permettre de dépister l'origine de la viande si celle-ci, par exemple, est avariée.
"Si les abats sont interdits, je serai au chômage", affirme pour sa part Ismail Arzubasi, garçon expérimenté du restaurant Rumeli, dans le centre-ville de la capitale qui sert essentiellement de la soupe aux tripes et du kokorec, mais aussi des têtes d'agneaux avec leurs yeux, dont raffolent même les palais les plus fins.
Ce restaurant vend quotidiennement plus de 500 plats de boyaux farcis de lard, servis avec du piment rouge, du thym et du cumin.
Faisant la queue à midi devant une poussette transformée en restaurant mobile de kokorec et de kofte (boulettes de viande), sous une épaisse fumée de graisse, Muammer Aksen fait fi des consignes sanitaires des autorités municipales, indiquant, avec un brin de nationalisme, préférer ce qui est le moins cher.
"Le kokorec n'est pas plus sale que les cuisses de grenouille et les escargots des Français", estime-t-il.