MERCAN DEDE
L'Orient électronique de Mercan Dede
FESTIVAL Ouverture jeudi des 24es
Transmusicales de Rennes, qui accueillent notamment un singulier flûtiste et DJ
turc
![]() Ce n'est pas seulement à une autre génération de musiciens turcs qu'appartient Mercan Dede, mais à un autre monde, où la modernité se définit à fronts renversés. (DR.) |
Cette histoire ne date pas des temps de l'empire ottoman. Mercan Dede porte quelques piercings, se teint volontiers les cheveux et parle dans cet anglais coulant et synthétique qu'emploient tous les musiciens au monde. Jeudi soir (enfin, à 2 heures du matin), c'est donc autant un DJ qu'un musicien traditionnel oriental qui se produit au Liberté, aux Transmusicales de Rennes. «Sur scène, j'ai mes platines vinyle et CD, mes samplers, toute mon électronique, et puis mon ney et mes percussions.»
Ce n'est pas seulement à une autre génération de musiciens turcs qu'appartient Mercan Dede, mais à un autre monde, où la modernité se définit à fronts renversés, la mémoire et l'invention se découvrent des connivences neuves. Sur scène, son groupe comprend un percussionniste, un clarinettiste et un joueur de qanun turcs, et un batteur canadien. «Je suis un Oriental, je vis en Occident, je suis en contact avec d'incroyables musiciens des deux univers», résume-t-il. Installé au Canada mais en permanence connecté avec la Turquie, il ressemble à quelques autres de ces musiciens transfrontaliers qui ont changé le paysage sonore de ces dernières années, de l'anglo-égyptienne Natacha Atlas à l'immense Nusrat Fateh Ali Khan – Mercan Dede est toujours admiratif devant la collaboration du chanteur pakistanais avec Massive Attack sur Musst Musst.
«Je n'ai pas l'impression que mes maîtres m'aient appris à jouer des instruments. Ils m'ont surtout enseigné le soufisme», dit-il. Et son attachement aux musiques et outils électroniques doit beaucoup au fait que certaines musiques orientales ont longtemps été utilisées pour leurs vertus thérapeutiques. «Avec l'électronique, on rejoint cette tradition. A bas volume, les basses fréquences pénètrent l'abdomen et apaisent le système digestif. Je ne l'annonce pas pendant les concerts, et ce d'autant plus que les gens n'entendent pas ces fréquences, mais ils les sentent et cela leur fait du bien.»
Un pont entre les temps, une réactualisation d'anciens savoirs et d'anciennes pratiques ? Esthétiquement, Mercan Dede compte parmi les musiciens qui aujourd'hui chamboulent les catégories habituelles de l'électro et de la world music. Son dernier disque, Nar (chez Night & Day), enregistré entre Istanbul et Montréal, évoque autant les maqams classiques turcs qu'une ambient ensoleillée. Avec çà et là quelques jolis bruits familiers et doux à l'oreille : «Le son d'un ney en studio n'existe pas dans la nature. A l'origine, le berger joue dans la nature, avec le tintement des cloches des moutons, le vent, les oiseaux, les bruits de l'herbe. Et c'est ce que je peux faire avec l'électro : je ne fais pas entendre seulement l'instrument, mais aussi son environnement.»
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