ORCHIDEES TURQUES MENACEES
DUMLUGOZE (Turquie) (AFP) - Plusieurs dizaines d'espèces d'orchidées
sauvages sont menacées de disparition en raison de leur utilisation dans les crèmes
glacées et le lait chaud aromatisé, très populaires en Turquie. Ces orchidées, "salep" en turc, parfument une célèbre glace épaisse
et une boisson hivernale portant le même nom, dont le succès ancien tient en
partie à leurs prétendues vertus aphrodisiaques.
"On ne peut pas en vouloir aux populations de la région qui sont si
pauvres, ils ramassent tout ce qu'ils trouvent sous la main pour subvenir à
leurs besoins", explique Mme Ozhatay.
Selon elle, la raréfaction des plantes a fait monter les prix et les
villageois en recueillent d'autant plus que la plante est facilement repérable,
haute sur pied et très colorée.
"Au cours de la décennie passée, nous avons enregistré la disparition
de pas moins de 42 espèces," selon elle.
Les orchidées destinées à l'alimentation se vendent au prix de gros entre
30 et 40 millions de livres turques (20 à 25 euros) le kilo, et les villageois
de Dumlugoze, sans trop l'avouer, concèdent qu'ils peuvent amasser plus d'une
dizaine de kilos dans la saison.
Voilà pourquoi "il est urgent d'abord de passer en revue précisément
la situation actuelle des orchidées turques, et ensuite de pousser les
industriels à mettre en place un système de culture", pour éviter le
ramassage sauvage, selon Mme Ozhatay.
Seda Vefa, directeur de la société du même nom, a reconnu que son
entreprise utilise des orchidées dans la confection de lait arômatisé en
poudre, mais en raison du coût, la firme a aussi recours à des adjuvants,
a-t-il ajouté sans fournir de précisions sur les proportions.
Un litre de lait aromatisé ou de glace utilise en moyenne trois tubercules
d'orchidée.
Selon des chiffres "tout à fait partiels", ce sont quelque 20
millions de tubercules qui sont arrachés chaque année pour les besoins de
l'industrie, selon Mme Ozhatay.
"L'exportation est interdite depuis 1991 - même si elle a continué
jusqu'en 1997 car échappant à la régulation sur la sortie des plantes
vivantes - mais le marché intérieur échappe à tout contrôle", même si
ce genre d'orchidée fait partie des 10 plantes les plus menacées de Turquie,
regrette-t-elle.
Pour un pays qui veut adhérer à l'Union Européenne, "la Turquie se
doit de mettre la protection de son environnement au premier plan, et doit décider
de l'arrêt du ramassage sauvage".
D'ailleurs, les industriels "verront combien la culture est plus facile
et plus rentable, c'est à leur avantage", pense-t-elle, craignant que la
pression des grandes marques ne parvienne à obtenir des licences d'exportation
par des biais divers.
Selon un rapport publié en mars 2003 par le Fonds mondial pour la vie
sauvage (WWWF), la Turquie recense 10.765 espèces végétales (dont plus du
tiers d'espèces endémiques), soit sept fois plus que le reste du continent
européen.