ORCHIDEES TURQUES MENACEES

Les orchidées turques, menacées par la crème glacée et le lait aromatisé

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DUMLUGOZE (Turquie) (AFP) - Plusieurs dizaines d'espèces d'orchidées sauvages sont menacées de disparition en raison de leur utilisation dans les crèmes glacées et le lait chaud aromatisé, très populaires en Turquie.

"Trente-six espèces appartenant à 10 genres d'orchidées sont ramassées en Turquie pour un commerce qui échappe à tout contrôle, et qui les menace d'extinction", selon Neriman Ozhatay, chef du département de botanique à la faculté de pharmacie de l'Université d'Istanbul.

Ces orchidées, "salep" en turc, parfument une célèbre glace épaisse et une boisson hivernale portant le même nom, dont le succès ancien tient en partie à leurs prétendues vertus aphrodisiaques.

"On ne peut pas en vouloir aux populations de la région qui sont si pauvres, ils ramassent tout ce qu'ils trouvent sous la main pour subvenir à leurs besoins", explique Mme Ozhatay.

Selon elle, la raréfaction des plantes a fait monter les prix et les villageois en recueillent d'autant plus que la plante est facilement repérable, haute sur pied et très colorée.

"Au cours de la décennie passée, nous avons enregistré la disparition de pas moins de 42 espèces," selon elle.

Les orchidées destinées à l'alimentation se vendent au prix de gros entre 30 et 40 millions de livres turques (20 à 25 euros) le kilo, et les villageois de Dumlugoze, sans trop l'avouer, concèdent qu'ils peuvent amasser plus d'une dizaine de kilos dans la saison.

Voilà pourquoi "il est urgent d'abord de passer en revue précisément la situation actuelle des orchidées turques, et ensuite de pousser les industriels à mettre en place un système de culture", pour éviter le ramassage sauvage, selon Mme Ozhatay.

Seda Vefa, directeur de la société du même nom, a reconnu que son entreprise utilise des orchidées dans la confection de lait arômatisé en poudre, mais en raison du coût, la firme a aussi recours à des adjuvants, a-t-il ajouté sans fournir de précisions sur les proportions.

Un litre de lait aromatisé ou de glace utilise en moyenne trois tubercules d'orchidée.

Selon des chiffres "tout à fait partiels", ce sont quelque 20 millions de tubercules qui sont arrachés chaque année pour les besoins de l'industrie, selon Mme Ozhatay.

"L'exportation est interdite depuis 1991 - même si elle a continué jusqu'en 1997 car échappant à la régulation sur la sortie des plantes vivantes - mais le marché intérieur échappe à tout contrôle", même si ce genre d'orchidée fait partie des 10 plantes les plus menacées de Turquie, regrette-t-elle.

Pour un pays qui veut adhérer à l'Union Européenne, "la Turquie se doit de mettre la protection de son environnement au premier plan, et doit décider de l'arrêt du ramassage sauvage".

D'ailleurs, les industriels "verront combien la culture est plus facile et plus rentable, c'est à leur avantage", pense-t-elle, craignant que la pression des grandes marques ne parvienne à obtenir des licences d'exportation par des biais divers.

Selon un rapport publié en mars 2003 par le Fonds mondial pour la vie sauvage (WWWF), la Turquie recense 10.765 espèces végétales (dont plus du tiers d'espèces endémiques), soit sept fois plus que le reste du continent européen.