LA TURQUIE EUROPEENNE

 

Un "signal positif" à l'égard de la Turquie

Bruxelles
Le Monde

Les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze ont adressé, vendredi 25 octobre, à la Turquie le signal politique "le plus positif possible", comme l'avait souhaité le ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, sans aller jusqu'à offrir à Ankara une date pour l'ouverture de négociations d'adhésion à l'Union européenne (UE). Aucun d'entre eux n'a proposé de fixer cette date à l'occasion du sommet européen de Bruxelles, même si certains pays (l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Grèce) pourraient être enclins à franchir ce pas sous certaines conditions, à l'occasion du sommet européen de Copenhague, à la mi-décembre.

Tous ont estimé qu'il était trop tôt pour s'engager plus avant, du moins tant que les élections turques du 3 novembre n'ont pas levé l'incertitude quant à l'orientation pro-européenne du prochain gouvernement. Les dirigeants d'Ankara l'ont compris ainsi : "En attendant, ils jouent la montre. Il faut nous montrer patients", a commenté le premier ministre turc, Bülent Ecevit. Cette réaction conciliante a été assombrie par la menace à peine voilée du ministre turc des affaires étrangères : "Si l'Union ne prend pas la décision d'entamer des négociations d'accession avec la Turquie en 2003, les relations UE-Turquie souffriront et la Turquie devra reconsidérer tous les aspects de ses relations avec l'Union", a souligné Sukru Sina Gurel.

Cette allusion vise deux contentieux entre les Quinze et Ankara : d'une part, le blocage des négociations intercommunautaires sur l'avenir de Chypre, île divisée qui doit entrer dans l'Union en 2004, avec ou sans réconciliation entre chypriotes grecs et turcs ; d'autre part, l'impasse actuelle sur les "arrangements permanents" entre l'Union européenne et l'Alliance atlantique, qui freine la montée en puissance de la défense européenne. Pesant chaque mot au trébuchet, les Quinze ont "salué"les "mesures importantes"prises par la Turquie en vue de réunir les critères politiques de Copenhague (démocratie, droits de l'homme, etc.), ainsi que le fait qu'Ankara est "allé de l'avant" s'agissant des critères économiques, un double mouvement qui a "avancé l'ouverture de négociations d'adhésion" avec la Turquie.

ACCORD AVEC L'OTAN

La veille du sommet de Bruxelles, Berlin a rappelé que la revendication de la Turquie d'appartenir à la "famille européenne" a été acquise lors du sommet d'Helsinki, en 1999, et qu'il fallait faire cesser l'hypocrisie consistant à considérer la Turquie comme un candidat à l'adhésion "qui restera toujours sans date". Vendredi, Jacques Chirac a résumé l'état d'esprit des Quinze : "Tous les Européens sont impressionnés par les progrès récents faits par la Turquie", mais les critères de Copenhague "sont encore loin d'être acquis".

La Turquie va avoir rapidement l'occasion de montrer si, elle aussi, attend le sommet européen de décembre pour faire montre de souplesse : les Quinze ont annoncé, vendredi, avoir conclu un accord [entre eux] à propos des "arrangements permanents" entre l'UE et l'OTAN. Dans les faits, cela signifie que la Grèce a accepté un texte de compromis, baptisé "texte de Bruxelles", qu'elle estime acceptable par la Turquie... Celui-ci est en réalité la reprise d'un précédent compromis passé entre les Quinze et la Turquie, baptisé "texte d'Ankara".

La différence entre les deux tient à quelques modifications, comme des références appuyées aux principes énoncés dans la charte des Nations unies. Le résultat est que la Turquie pourrait y voir une remise en cause de l'accord passé entre elle et les Quatorze (moins la Grèce).

Javier Solana, le haut représentant de l'Union pour la politique étrangère et de sécurité, s'est félicité du consensus des Quinze et du mandat qu'il a reçu pour "entamer des négociations immédiates avec l'OTAN". De façon plus prosaïque, cela signifie qu'il reprend son bâton de pèlerin pour consulter les Turcs sur l'accord accepté, cette fois-ci, par les Grecs.

L. Z.

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 27.10.02