CRIME D'HONNEUR

 

La Suède s'interroge sur l'intégration des immigrés après un crime d'honneur

STOCKHOLM, 29 jan (AFP) - 14h32 - La mort violente d'une jeune femme d'origine kurde, abattue par son père pour avoir sali son honneur en fréquentant un Suédois, a plongé la Suède dans un vaste débat sur l'intégration des immigrés et les moyens de lutter contre des codes culturels contraires aux traditions d'ouverture du pays.
Fadime Sahindal, 26 ans, s'était fait connaître en Suède en poursuivant en justice son père et son frère qui l'avaient menacée de mort si elle ne rompait pas définitivement avec son petit ami suédois.

"Le seul moyen qu'a ma famille de retrouver son honneur, maintenant que je l'ai souillée de honte, c'est de me tuer", avait expliqué Fadime au cours du procès, en 1998.

Refusant de se cacher ou de vivre sous une fausse identité, la jeune femme avait parcouru le pays, trois ans durant, pour raconter son histoire dans les écoles ou les centres sociaux.

Elle a été abattue par son père le 21 janvier dernier à Uppsala, près de Stockholm. Appréhendé le lendemain du crime, le meurtrier a reconnu les faits.

Le meurtre de Fadime, le quatrième de cette nature depuis 1994, a jeté une lumière crue sur le sort de centaines de jeunes filles qui, comme elle, sont tenues au grand écart permanent entre les codes sociaux "importés", parfois très restrictifs pour les femmes, et ceux, très libéraux, de la société suédoise, championne du monde de l'égalité des sexes.

"Elle m'a humiliée devant le monde entier. Je n'ai pas vu d'autre moyen que de la tuer. C'est une traînée", a déclaré le père Rahmi Sahindal au cours de sa garde à vue.

Les responsables politiques ont unanimement condamné le meurtre de Fadime et des milliers d'anonymes se rassemblent presque chaque jour dans les grandes villes du pays pour dénoncer les "crimes d'honneur".

"Il est tragique qu'une jeune femme douée, belle et courageuse soit assassinée parce qu'elle veut simplement vivre sa vie", a déploré le Premier ministre Goeran Persson, appelant toutefois les Suédois à "voir ce meurtre pour ce qu'il est, un crime, et à ne pas généraliser".

Pour la ministre chargée de l'intégration, Mona Sahlin, le meurtre de Fadime apporte la preuve que la Suède ne tient pas entièrement ses promesses d'intégration.

"Nous devons dire et redire que les droits de l'Homme sont aussi les droits de la Femme. Aucun argument relevant de la culture, de la religion ou de la tradition ne peut enlever à une personne le droit de vivre sa vie", a-t-elle dit. "Quand une famille arrive en Suède, nous devons lui faire connaître au plus tôt les valeurs qui sont les nôtres ici".

"Si les valeurs conservatrices non seulement parviennent jusqu'ici, mais se renforcent ici, c'est parce que le sentiment de non-appartenance et d'isolement est trop grand", a-t-elle souligné.

Le profil des immigrants a changé depuis une dizaine d'années. Aux réfugiés politiques des années 1970 et 1980 ont succédé, au début des années 1990, les réfugiés de facto des Balkans puis les migrants économiques du Moyen-Orient attirés par la politique d'immigration des pays nordiques, moins restrictive que dans nombre d'autres pays européens.

Selon le psychiatre Riyadh al-Baldawi, qui exerce au Centre interculturel de Stockholm, les problèmes surgissent souvent lorsque les chefs des familles issues de l'immigration, se retrouvant au chômage, ne peuvent survenir aux besoins de leurs proches.

"Cela génère chez ces hommes une grande frustration susceptible de conduire à la violence. Nous devons travailler sur cette frustration et leur montrer qu'il existe des alternatives", estime-t-il.

Pour renforcer le soutien aux jeunes filles comme Fadime, le gouvernement envisage d'améliorer l'accueil pour les femmes en fuite et la protection des femmes témoignant contre des membres de leur famille, et surtout de renforcer l'effort d'intégration des arrivants.

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