VINS TURCS

 

vendredi 13 juin 2003
Les vins de Cappadoce tentent une frêle percée

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URGUP (Turquie) (AFP) - La tradition du vin se perpétue en Cappadoce: De l'empire Hittite aux premiers Chrétiens, venus se réfugier dans ces plaines fertiles d'Anatolie centrale pour fuir la persécution des Romains, et jusqu'à nos jours.

C'est en Cappadoce en 2.500 avant J.C qu'on invente la vinification qui va passer ensuite en Grèce antique, affirment les spécialistes turcs.

Grâce à un sol particulièrement fertile, la vinification occupe une place prépondérante dans cette région connue pour ses "cheminées de fées" et ses constructions troglodytes creusées dans un tuf volcanique, façonné par des siècles d'érosion.

Longtemps interdit pendant la période ottomane, la vinification, alors réservée essentiellement à la minorité orthodoxe grecque, est encouragée par l'Etat après la création de la République de Turquie moderne en 1923 pour remplacer l'alcool symbole du pays, le raki (45°), parfumé à l'anis.

La compagnie Turasan, fondée en 1943, est actuellement la plus importante des producteurs de vin de la région avec plus de 50 hectares de vignobles.

Hasan Turasan, qui représente la troisième génération à la tête de l'entreprise, a réussi l'an dernier à exporter 37.000 litres de vin, fabriqués avec des cépages locaux, vers le Japon.

Poussée par une popularité croissante pour le vin, la compagnie, qui ne produisait jusqu'en 1987 que du vin de table, a beaucoup investi pour fabriquer des meilleurs crus et emploie aujourd'hui une vingtaine de personnes.

Elle tente aussi de s'implanter dans les métropoles turques comme Istanbul, Ankara et Izmir (ouest) où elle rencontre néanmoins la puissante concurrence des deux grandes marques du pays qui se partagent un quasi monopole: Kavaklidere et Doluca.

"Même 1% du marché serait une réussite pour nous", explique M. Turasan.

Il se plaint du manque d'intérêt "total" des autorités d'Ankara pour le secteur du vin et des lourdes taxes imposées sur cet alcool.

Dans la cave de la firme taillée dans la roche, des vins attendent d'être mis en bouteille.

La température des caves varient entre 11 et 13° Celsius, même s'il fait -10° où 40° à l'extérieur et "est extrêmement propice à la conservation du vin" souligne Aytekin Ertan, un ingénieur agronome.

Turasan qui a une production annuelle de 400 à 500.000 litres par an, propose gratuitement ses services aux autres producteurs locaux pour faire connaître et "faire partager le plaisir du vin", dit-il, regrettant que certains vignobles aient été laissés en friche ces dernières années parce que leurs propriétaires ont opté pour des cultures plus rentables et "moins laborieuses".

Une vingtaine de producteurs de vin sont toujours actifs dans la région, mais la majorité d'entre eux ont recours à des procédés rudimentaires de vinification et de mise en bouteille.

Pour certains la baignoire est devenu une "cave" et on recycle des bouteilles récupérées dans les restaurants, ce qui explique une qualité variable du produit.

"Nous tentons de faire des vins de qualité et en fonction du terroir", souligne M. Turasan qui a planté ces dernières années du Chardonnay, Semillon, Cabernet-Sauvignon et même du Chiraz à titre d'expérimentation.

En 2002, il n'y a pas eu de vinification, la récolte n'ayant pas été jugée de suffisante qualité.

Mais M. Turasan est optimiste pour l'avenir. "Des grands crus ne sont pas une utopie dans les années à venir", ajoute-t-il.