URGUP (Turquie) (AFP) - La tradition du vin se perpétue en
Cappadoce: De l'empire Hittite aux premiers Chrétiens, venus se réfugier
dans ces plaines fertiles d'Anatolie centrale pour fuir la persécution
des Romains, et jusqu'à nos jours.
C'est en Cappadoce en 2.500 avant J.C qu'on invente la vinification qui
va passer ensuite en Grèce antique, affirment les spécialistes turcs.
Grâce à un sol particulièrement fertile, la vinification occupe
une place prépondérante dans cette région connue pour ses
"cheminées de fées" et ses constructions troglodytes creusées
dans un tuf volcanique, façonné par des siècles d'érosion.
Longtemps interdit pendant la période ottomane, la vinification,
alors réservée essentiellement à la minorité orthodoxe grecque, est
encouragée par l'Etat après la création de la République de Turquie
moderne en 1923 pour remplacer l'alcool symbole du pays, le raki (45°),
parfumé à l'anis.
La compagnie Turasan, fondée en 1943, est actuellement la plus
importante des producteurs de vin de la région avec plus de 50 hectares
de vignobles.
Hasan Turasan, qui représente la troisième génération à la tête
de l'entreprise, a réussi l'an dernier à exporter 37.000 litres de
vin, fabriqués avec des cépages locaux, vers le Japon.
Poussée par une popularité croissante pour le vin, la compagnie,
qui ne produisait jusqu'en 1987 que du vin de table, a beaucoup investi
pour fabriquer des meilleurs crus et emploie aujourd'hui une vingtaine
de personnes.
Elle tente aussi de s'implanter dans les métropoles turques comme
Istanbul, Ankara et Izmir (ouest) où elle rencontre néanmoins la
puissante concurrence des deux grandes marques du pays qui se partagent
un quasi monopole: Kavaklidere et Doluca.
"Même 1% du marché serait une réussite pour nous",
explique M. Turasan.
Il se plaint du manque d'intérêt "total" des autorités
d'Ankara pour le secteur du vin et des lourdes taxes imposées sur cet
alcool.
Dans la cave de la firme taillée dans la roche, des vins attendent
d'être mis en bouteille.
La température des caves varient entre 11 et 13° Celsius, même
s'il fait -10° où 40° à l'extérieur et "est extrêmement
propice à la conservation du vin" souligne Aytekin Ertan, un ingénieur
agronome.
Turasan qui a une production annuelle de 400 à 500.000 litres par
an, propose gratuitement ses services aux autres producteurs locaux pour
faire connaître et "faire partager le plaisir du vin",
dit-il, regrettant que certains vignobles aient été laissés en friche
ces dernières années parce que leurs propriétaires ont opté pour des
cultures plus rentables et "moins laborieuses".
Une vingtaine de producteurs de vin sont toujours actifs dans la région,
mais la majorité d'entre eux ont recours à des procédés
rudimentaires de vinification et de mise en bouteille.
Pour certains la baignoire est devenu une "cave" et on
recycle des bouteilles récupérées dans les restaurants, ce qui
explique une qualité variable du produit.
"Nous tentons de faire des vins de qualité et en fonction du
terroir", souligne M. Turasan qui a planté ces dernières années
du Chardonnay, Semillon, Cabernet-Sauvignon et même du Chiraz à titre
d'expérimentation.
En 2002, il n'y a pas eu de vinification, la récolte n'ayant pas été
jugée de suffisante qualité.
Mais M. Turasan est optimiste pour l'avenir. "Des grands crus ne
sont pas une utopie dans les années à venir", ajoute-t-il.