C'est Turc! L'AUTOMATE TURC, JOUEUR D'ECHECS


Le mécanisme fourni du faux automate avait de quoi
tromper les plus septiques

 

L'Automate turc, joueur d'Echecs
Source: http://www.echecs.com/chroniques/20010716115458800

La rivalité homme-machine n'attendit pas les premiers pas de l'informatique pour se révéler. L'histoire retient la leçon d'une supercherie, certes monumentale puisque Napoléon Bonaparte lui-même en fut la victime, mais néanmoins instructive pour les générations à venir. Celle de l'automate turc joueurs d'Echecs de Von Kempelen, qui battait les plus grands de ce monde. Il s'agissait en fait d'un homme de petite taille, joueur de talent, caché dans une machine. Cette anecdote n'a d'ailleurs pas sombré dans l'oubli. Lors de la victoire de Deep Blue, le programme d'IBM, contre Garri Kasparov, en 1997, les détracteurs hurlèrent eux aussi à la supercherie. Mais cette fois, pas de nains cachés dans les processeurs... Nombre de cinéastes et d'auteurs s'inspireront de cette histoire. Edgar Allan Poe est le premier à avoir dénoncé la supercherie dans ses "Histoires grotesques et sérieuses", oeuvres traduites en 1865 par Charles Baudelaire. Jean-Eugène Robert-Houdin conte aussi cette anecdote dans ses "Confidences d'un prestidigitateur" en 1858. Un film Français réalisé en 1983, "Le joueur d'Echecs" reprend lui aussi l'anecdote malheureuse.

L'histoire (1) commence vers 1776 lors d'une révolte dans la ville de Riga en Pologne. Le chef des rebelles est un certain Worousky, homme de petite taille et de grande intelligence. Il mène un groupe de révoltés russes et polonais contre le régime en place. Le soutien armé apporté par Saint-Pétersbourg aux soldats de Riga orchestra la défection des rebelles. Worousky s'en sort vivant mais il est atteint aux deux jambes par un coup de feu. Un médecin de la région, nommé Osloff le recueil et le soigne. Mais bientôt la gangrène gagne les deux jambes de Worousky et le bon médecin pratique sur lui l'amputation des deux cuisses. Quelques temps plus tard, Von Kempelen, fameux mécanicien autrichien, connu pour son travail sur le mécanisme de la parole se rend à la demeure de son ami Osloff. Voyant l'incroyable talent du rebelle pour le jeu d'Echecs, l'Autrichien manigance l'ingénieux stratagème qui permettra à Worousky de prendre la fuite et contribuera par la même à son propre succès. En à peine trois mois, le plan est mis à exécution.

L'automate se présente sous la forme d'un homme de taille moyenne, habillé en costume traditionnel turc. L'homme est assis devant un coffre en forme de commode d'un mètre vingt de longueur et de quatre-vingt centimètres de largeur sur lequel est placé un échiquier. Leviers, cylindres et ressorts visibles des portes du coffre renchérissent la supercherie. Les plus septiques pouvaient même observer le mécanisme de l'automate sous la robe de ce dernier. Pendant l'inspection du corps, Worousky se trouvait dans le buffet. Les bruyantes manipulations de l'automate permettaient à l'homme de se glisser du coffre au scaphandre sans attirer l'attention. Après un léger mouvement de tête pour saluer son adversaire, l'automate déplaçait une pièce avant de reposer son bras sur les coussins. Le joueur ne parlait évidemment pas. Il faisait trois signes de la tête pour signaler l'échec au Roi et deux signes pour l'échec à la Reine. Les premiers exploits de l'automate eurent lieu dans les villes avoisinantes. Les victoires de l'automate menèrent Kempelen et Worousky au coeur de la Russie où la machine devait affronter la Tsarine Catherine II à Saint-Pétersbourg. La rencontre eu lieu dans la bibliothèque de l'impératrice. Cette dernière jouait avec les blancs. Mais l'automate ne tarda pas à reprendre l'avantage et gagna bientôt un Fou et un Cavalier. Soudain, la machine se mit à reposer le bras avec violence sur le coussin. L'impératrice venait de tricher. Ne voulant pas reconnaître la fraude, Worousky renversa les pièces de l'échiquier. Une fin heureuse qui évita la défaite à la souveraine. Le périple de l'automate joueur d'Echecs se poursuivit en Europe, moment où Von Kempelen le concède à un certain Anthon. A la mort de ce dernier, le destin de Worousky passe entre les mains d'un mécanicien du nom de Maëzel.

C'est sous la direction de ce dernier qu'est rapporté la rencontre entre l'automate Turc et Napoléon. Bon stratège, Napoléon Bonaparte était aussi connu pour ses piètre talents de joueur d'Echecs. Le futur Empereur fréquentait le café de La Régence. La postérité garde en mémoire ses parties jouées contre Madame de Rémusat. La confrontation entre Napoléon et l'Automate eu lieu en 1809 au château de Shoenbrunn à Viennes en Autriche. Au début de la partie, l'Empereur fit exprès de faire de deux ou trois coups faux pour voir les réactions de l'automate. La première fois, l'automate salue et replace la pièce sur l'échiquier. la seconde fois, il salue et confisque la pièce. A la troisième tentative de tricherie, Worousky renverse l'échiquier et les pièces. L'empereur fit de grands compliments au mécanicien, ce qui n'empêcha pas Bonaparte de perdre la partie.

Les nombreux succès de Worousky firent écho dans toute la presse de l'époque. Après l'Europe, Worousky se rendit en Amérique sous la protection de son nouveau "mécanicien". Là-bas les succès de l'automate sont plus mitigés, ce qui laissent à penser que ce n'était déjà plus Worousky dans le corps du joueur Turc. Quant à Maëzel, il mourut d'une indigestion dans le bateau qui le reconduisait en France.

(1) Il existe plusieurs versions de cette histoire. L'automate sera notamment reconnu sous les traits d'un nain. Cette dernière est tirée du site de Maria Nepeira et de Jean-Olivier Lecomte.

Pour en savoir plus
www.multimania.com/echecs, le site de Maria Nepeira et Jean-Olivier Lecomte.

 

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