C'est Turc! FUZULI

 
 
Fuzulî (1495-1556)
 
La critique moderne considère unanimement Mehmet Süleymanoglu Fuzulî comme l'un des auteurs les plus brillants et les plus représentatifs de la littérature islamique du 16ème siècle. Issu de la tribu turque des Bayat, dont la langue appartenait au groupe turc-azéri, ce lettré accompli fut un poète précoce, écrivant surtout en sa langue maternelle (turque-azérie) ses premiers vers.  De confession chiite, il vécut dans la région de l'Irak.
 
C'est surtout par son oeuvre en turc, la plus abondante, consignée dans de très nombreux manuscrits (ottomans pour la plupart), que Fuzulî est justement fameux (il écrivit également en arabe et en persan). Parmi une dizaine de titres célèbres, on retiendra son recueil de poèmes lyriques (Divan turc) et son vaste roman en vers, sommet de la poésie classique turque, Leyla et Medjnun (achevé en 1535 et comprenant plus de 3 000 distiques).
 
Fuzulî, dont la langue très savante n'est aujourd'hui directement accessible qu'à un petit nombre de spécialistes, n'en a pas moins conservé, en Turquie, en Azerbaïdjan, en Iran, en Irak, et même au Turkestan, une célébrité considérable, grâce, notamment, à des adaptations modernes (parfois portées à la scène) de son roman Leyla et Medjnun. Poète et mystique de l'amour au style étincelant, il continue d'inspirer des poètes dans l'ensemble du monde turcophone.

Ses oeuvres principales : Divan (turc), 1838 ; La santé et la maladie, 1940 ; Enisü'l-Kalbi 1944 ; Terceme-i Hadis-i Erbain, 1951, (Traductions des quarante hadis) ; Bengü Bâde, 1956 ; Hdikatü's-Süedâ, 1955 ; Rindü Zahid, 1956 ; Divan (arabe) 1958, Lettres, 1958 ; Divan (persan), 1962 ; Heft Cam, 1962.

 

GAZEL
Benî candan usandýrdý cefâdan yâr usanmaz mý
Felekler yandý âhýmdan murâdým þem'i yanmaz mý

Kamû bîmârýnâ cânan devâ-yî derd eder ihsan
Niçin kýlmaz banâ derman benî bîmâr sanmaz mý

Gamým pinhan dutardým ben dedîler yâre kýl rûþen Desem ol bî vefâ bilmen inânýr mý inanmaz mý

Þeb-î hicran yanar câným töker kan çeþm-i giryâným Uyârýr halký efgaaným karâ bahtým uyanmaz mý

Gül'î ruhsârýna karþû gözümden kanlu âkar sû
Habîbým fasl-ý güldür bû akar sûlar bulanmaz mý

Deðildim ben sanâ mâil sen etdin aklýmý zâil
Bana ta'n eyleyen gaafil senî görgeç utanmaz mý

Fuzûlî rind-i þeydâdýr hemîþe halka rüsvâdýr
Sorun kim bû ne sevdâdýr bu sevdâdan usanmaz mý
(Fuzûlî)


 Lien à consulter: Page du site du Ministère de la Culture 
 http://www.kultur.gov.tr/portal/default_fr.asp?belgeno=558 

Fuzuli (1840 - 1556)

Poète turc du Divan. Il a développé une poésie fondée sur des sentiments individuels et l'amour.

Son vrai nom est Mehmet b. Suleyman. Il est né à Kerbelâ, mais sa date de naissance précise n'est pas connue. Pourtant, d'après certains sources, il est environ né en 1480. Il est mort en 1556 à Kerbelâ. Il n'y a pas beaucoup de renseignements sur sa vie, en particulier sur sa jeunesse et sur sa formation. Il déclare dans son oeuvre intitulée Divan, écrite en persan, qu'il a pris le nom « Fuzûlî » parce qu'il ne voulait pas que ses poèmes soient confondus avec ceux d'autrui et qu'il pensait en outre que personne ne voudrait prendre ce nom d'emprunt. Pourtant, ce mot qui signifie « inutile » est aussi le synonyme du mot « vertu ». Certains prétendent qu'Il visait, en prenant ce nom, à jouer sur ces sens opposés.

Les sources concernant la vie de Fuzûlî contiennent des renseignements contradictoires, et il est impossible très souvent de distinguer la légende et de la réalité. Les renseignements justes sur sa vie proviennent des études sur ses travaux et des explications de certains de ces poèmes. D'après ces renseignements, Fuzûlî a joui d'une bonne formation, et il a suivi des études notamment en sciences islamiques, sur mysticisme et sur la littérature persane. A partir des notions qu'il a utilisées dans ses poèmes, on comprend qu'il s'est intéressé à l'alchimie, à l'astronomie, outre qu'il était en relation avec les sciences occultes répandues dans les pays islamiques visant à la prévision de l'avenir. L'études de ses oeuvres démontre d'autre part qu'il s'est occupé, parmi les sciences islamiques, des « hadis » (paroles provenant du Prophète Mohamet), de «fýkýh » ( jurisprudence divine), et de « tefsir » (interprétations coranique). Les poèmes de ses « Divan », écrits en turc, en arabe et en persan, démontrent qu'il utilise excellemment toutes ces trois langues, et qu'il les maîtrise avec toutes leurs finesses. Etudiant ses oeuvres, on comprend qu'il suivait Hâfýz parmi les poètes persans, et Nesîmi, Nevâî et Necati parmi les poètes turcs, et qu'il a imprégné de leur approche à la poésie, de leurs sentiments et de leurs réflexions.

Fuzûlî a été lié, à la confession chiite. Il a professé un amour profond à l'égard de douze Imams. C'est pour cette raison qu'il mène toute sa vie à Kerbelâ, terre saint pour les chiites, qu'il traite dans tous ses poèmes de l'amour et du chagrin issus du mysticisme, qu'il écrit des poèmes d'éloge concernant le cas de Kerbelâ et qu'il proteste contre les règles strictes de la religion.

Pourtant sa fidélité à Ali ne concerne pas la foi appelée dans les pays islamiques « Galiye » (outrance), défendant la divinité d'Ali. D'après lui, Ali est une personne mûre, parfaite, vertueuse, qui a des connaissances d'amour et qui devrait être « imam » (calife) après le Prophète. L'adoption de ce point de vue, dans les pays islamiques, est considéré comme « mufaddýla » (fidélité à la vertu). Fuzulî aussi appartient à ceux qu'ils sont fidèles à la vertu. D'après lui, Ali est supérieur en vertu à tous les califes et aux parents (sahabe) du Prophète. Il démontre d'une façon claire sa foi concernant ce sujet, dans son oeuvre intitulé Hadîkatüs Süedâ ((jardin des bienheureux). Il a écrit plusieurs poèmes insérés dans ses Divan en turc et en persan, qui traitent de sa fidélité à Ali et aux Imams qui descendent de lui. La source de l'éloge qu'il a écrite pour Ismail Safevi conquérant de Bagdad, provient de cet amour. Fuzûlî gagnait sa vie sur les revenus des fondations consacrées aux douze Imams de Kerbelâ, de Necef et de Bagdad. On le comprend en lisant le poème qui commence par les vers « Dûrr-i sadef-i sýdk cenab-ý mütevelli » (La perle de nacre de justesse, grand fonctionnaire). Fuzûlî adoptant les traditions de son époque, a écrit des éloges pour le chef d'État ottoman Kanuni Süleyman, conquérant Bagdad, ainsi que Rustem Pascha, Mehmet Pascha, Ibrahim Bey, et Cafer Bey.

Tout le potentiel de création de Fuzûlî est apparu dans ses poèmes, où il énonce sa conception de la vie et de l'univers, et ses pensées sur l'homme. D'après lui, l'amour forme l'essence du poème et la science le fonde. « Le poème sans science est comme le mur sans fondation, et le mur sans fondation est sans valeur », forme son point de vue de la poésie, il pense que l'amour forme l'essence de l'univers et pour cette raison qu'il arrive à ce jugement: « L'amour est tout l'univers, la science qui reste en dehors de l'amour n'est qu'une rumeur ». Outre l'amour, la poésie est fondée sur le chagrin causé par la séparation de l'aimé et par la nostalgie des retrouvailles. « Leyla ile Mecnun » est son oeuvre principale, focalisée sur le chagrin, la souffrance de la séparation de l'aimé et la nostalgie des retrouvailles. Ici, l'homme qui aime voue son existence entière à l'aimé, mais cet amour focalisé chez l'aimé est une sorte de nostalgie ayant pour but une existence divine. L'homme aimé n'est qu'un moyen et Dieu paru à travers l'existence de l'aimé est le seul but. Fuzûlî traite dans ce thème de l'union des existences, en adoptant la conception du « Dieu-homme » du mysticisme nourri de néo-platonisme. D'après lui, la seule existence est Dieu, tous les objets ainsi que l'univers qui les entoure sont le champ d'apparition de Dieu. Pour cette raison, la création et l'apparition de l'existence divine sont le débordement (sudûr) de l'essence du Dieu qui est une lumière (nûr). « Zihî zâtýn nihân u ol nihandan mâsivâ peydâ » (Ton essence est secrète, cet univers visible a été crée par cet essence).

D'après la conception de Fuzûlî, l'homme est un « être aimant », cet amour forme l'essence de la relation entre le Dieu et l'homme et fournit le rapprochement de l'homme au Dieu. C'est pour cette raison que seul l'homme peut aimer. L'homme, le type le plus parfait et le plus achevé parmi les être vivants, représente les yeux, la langue et l'oreille de Dieu. L'homme n'a pas de possibilité de réaliser une action hors de la force de la volonté divine. L'homme se compose de deux essences différentes: le corps et l'âme. Le corps a quatre composants, tels que la terre, l'air, le feu et l'eau. L'âme est divine, après avoir s'être maintenue un certain temps, par ordre de Dieu, dans le corps, elle retourne à Dieu qui est son origine, et c'est pour cette raison qu'elle est immortelle. D'après lui, l'homme doit se comporter, tant qu'il vit sur la terre, de manière à mériter la divinité de son âme, doit être fidèle aux valeurs telles que l'honnêteté, la bonté, la vertu et la beauté, et doit en outre orner son essence du savoir. Fuzulî considère le savoir d'amour qu'il nomme « maarif » (instruction) comme une source à l'aide de laquelle l'homme illumine son essence. Il énonce cette idée par ce vers : « ey güzel zâtýn maârif birle tevyîn edegör ». Les trois éléments tels que l'honnêteté, la bonté et la vertu forment la base de ses réflexions concernant la morale. Les contraires de ces trois éléments sont l'oppression, l'hypocrisie et l'ignorance. Dans son oeuvre intitulé « Þikayetname » (Plaintes) qui commence par le vers : « Selam verdim rüþvet deðildir deyu almadýlar » (Ils n'ont pas pris mon salut, parce que ce n'était pas une corruption), il critique la corruption de son époque et les comportements opposés à la morale et à l'essence de la religion islamique. Et dans son « Divan » en turc, se trouvent ces vers : « l'oppresseur recueille de l'argent par pression et il la distribue aux autres comme s'il les aidait », il écrit pourtant ces vers : « on n'entre pas au paradis à l'aide de la corruption ». D'après Fuzuli, le monde est un lieu où l'on achète et où l'on vend. Tout le monde dépose ce qui a dans la main. Celui qui aime le savoir présente la vertu et le talent, celui qui aime le monde, l'or et l'argent :

« Dehr bir bâzârdýr her kim metâýn arz eder Ehl-i dünya sîm ü zer ehl-i hüner fazl u kemal »

Fuzulî défend, concernant la croyance, la nécessité de rester fidèle à la vertu, à l'honnêteté et l'essence du Coran. D'après lui, les devoirs tels que le jeûne, la prière et l'aumône annuelle ne doivent pas être accomplis pour faire étalage mais pour purifier et mûrir l'essence de l'homme. Pourtant l'homme de cet époque, employant les principes de l'Islam comme un moyen pour garder son propre intérêt, s'éloigne des vérités de la religion. Pour cette raison, la méthode de celui qui ne veut pas s'éloigner de l'essence de l'Islam doit proposer se conformer à ceux qui font la prière et les accompagner.

La langue de Fuzûlî est le parler d'Azerbaïdjan, elle évoque notamment la langue de Nevâi et de Nesîmî. L'élément assurant l'harmonisation dans le poème provient généralement de l'analogie entre les sons et les sens. L'allongement et le raccourcissement des mots turcs, qui ne conviennent pas à la métrique d'Aruz (une sorte de règle de versification) s'harmonisent pourtant avec les mots arabes et persans. Deux éléments principaux dans la langue, tels que l'accord du son et du sens forme le lien entres les vers. Bien qu'il pré u vers avec des citations relevées du Coran et des Hadis (Paroles du Prophète).

La profondeur intellectuelle, la fluidité langagière et la puissance créative de Fuzulî, qui utilise toutes les métriques et les formes de la poésie « Divan », paraissent plutôt dans ses «gazel » (une sorte de poésie lyrique). Dans ses poèmes sur l'affaire de Kerbalâ il traite du chagrin dans une vaste dimension, et l'étend à son poème entier. Il considère l'homme aimant et croyant comme un « être souffrant ». Dans ce type de poème, les sortes d'amour se complètent l'une l'autre. La nostalgie profonde traitée dans « Leylâ ile Mecnun » et la souffrance de la séparation transforment, dans ses poèmes élégiaques, en l'ébranlement intense à l'égard de la mort. Le poème est une création, pour Fuzulî, permettant d'exprimer certains problèmes, d'identifier l'homme et de relever les sentiments et les réflexions. Le poème n'est pas écrit pour écrire le poème, mais a pour but d'exprimer un point de vue sur l'existence. Ce qui forme le poème est la parole significative et substantielle, et l'homme s'exprime à l'aide de la parole. D'autre part la parole est un élément de narration : « Bû ne sýrdýr kim eder her lahza yoktan vâr söz ». La parole est liée à l'orateur dont elle démontre le niveau de connaissance et de sentiment, ainsi que la valeur.

Artýran söz kadrini sýdk ile kadrin artýrýr
Kim ne mikdâr olsa ehlin eyler ol mikdâr söz

D 'après ces vers, celui qui augmente la valeur de ces paroles, augmente aussi sa propre valeur. L'homme est ce qu'il exprime, le parole est le miroir de l'homme.

Fuzulî influence les poètes du « Divan » turc comme Bâki, Ruhî, Nâilâ, Neþâti, Nedim et Þeyh Galip qui focalisent l'amour dans leurs poèmes. D'autre part, il est admis par les poètes « alevi » (adeptes de l'ordre religieux fondé par les partisans de Ali, gendre et cousin du Prophète) et considéré comme un poète de la foi.

 

 

 

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