C'est Turc! HISTOIRE DE CROISSANT

 

Du croissant fait maison

 
Entre la baguette et le camembert, au panthéon des gloires supposées du patrimoi-ne gastronomique français se trouve le croissant. Sommes-nous les pères de l'objet ? Pas le moins du monde. Les exégètes se séparent en deux écoles. Il y a ceux pour qui cette pâtisserie serait née au XVIe siècle, en Turquie, lors du siège d'Istanbul, et les tenants d'une création plus tardive, lorsque les Turcs étaient montés jusqu'à Vienne dans le but de s'en emparer, et que, pour célébrer leur défaite, les boulangers autrichiens inventèrent cette viennoiserie prouvant qu'ils ne faisaient qu'une bouchée de leurs ennemis.

Comment le croissant est-il devenu un symbole typiquement hexagonal ? C'est qu'à la fin du XIXe siècle, nos boulangers l'ont réinventé. En lieu et place de la pâte briochée qui existait alors (une version du croissant qui reste d'actualité aux Etats-Unis), ils ont en effet substitué une pâte feuilletée. Ce qui rendait cette viennoiserie tout à fait différente.

Cette formule nouvelle est aujourd'hui devenue l'incarnation du bon goût et de l'authenticité française à l'étranger. Un colosse aux pieds d'argile, comme en témoigne la production souvent pitoyable qui sort des "croissanteries françaises" surgies un peu partout dans le monde. Tout comme pour du bon pain, l'amateur de croissant peut se déplacer fort loin afin de s'assurer de la qualité de sa viennoiserie préférée.

Les boulangers tentent bien d'impressionner le client en distinguant d'un côté le "croissant beurre" et de l'autre l'"ordinaire", à la margarine. Ne vous laissez pas avoir, l'un n'est pas meilleur que l'autre. Seul compte le travail de la pâte et son temps de repos, le reste est uniquement une affaire de goût personnel.

Où dénicher de bons croissants dans la capitale ? Essayez la boulangerie Be dans le 8e arrondissement (la nouvelle enseigne griffée Ducasse, où les sandwichs sont aussi excellents), découvrez l'étonnant "tortillon" de la boulangerie les P'tits mitrons, avenue de Versailles (un croissant droit, ultrafeuilleté et très riche en beurre), mordez dans le croissant de Pierre Hermé à Saint-Germain-des-Prés (garanti à l'eau minérale).

Si le bon boulanger est à des kilomètres de votre domicile, il reste la solution de faire son croissant chez soi. En France, depuis bientôt trente ans, on peut en effet acheter dans les grandes surfaces des croissants "en boîte". Le terme est d'ailleurs mal choisi, car il ne s'agit pas d'un produit en conserve mais d'une pâte fraîche (et qui doit être conservée au froid), emballée dans un petit tube en carton doublé d'un film aluminium.

Il s'est vendu l'an dernier plus d'un million de ces tubes de croissants de dépannage. On ouvre la boîte, on déroule la pâte, on découpe les quatre triangles suivant les pointillés et on les enroule sur eux-mêmes. Après cinq minutes de repos, on enfourne, non sans avoir doré avec un pinceau trempé dans de l'œuf battu.

Guillaume Crouzet

Croissants boulangers entre 0,80 € et 1 € environ. Be, 73, boulevard de courcelles, 75008 Paris. Les p'tits mitrons, 34, avenue de versailles, 75016 Paris. Pierre Hermé, 72, rue bonaparte, 75006 Paris. Croissants Croustipâte, 1,75 € environ la boîte de quatre.

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU MONDE DU 02.02.03

 

 

 

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