NAZAR BONCUĞU
Croyances
populaires en Turquie: «Nazar Boncuk»
ou l'œil bleu
qui protège du mauvais œil
05.04.2006 |
13h38
De tous les symboles frappants qui font la spécificité socioculturelle de la
société turque, le fameux œil en verre, petite perle prisée par les Turcs pour
conjurer le mauvais œil, reste la manifestation, par excellence, de l'ancrage de
la superstition dans la culture populaire de ce grand et mythique pays qu'est la
Turquie.
Objet fétiche de larges couches de la population, «Nazar Boncuk», comme on
l'appelle en turc, est une représentation de l'œil destinée, selon la croyance
ancestrale anatolienne, à chasser, faire face et déjouer les malheurs que peut
répandre le mauvais œil.
Dessiné ou incrusté sur du verre bleu foncé et peint en blanc et jaune, l'œil de
verre prend diverses formes, allant du petit objet suspendu aux porte-clés, aux
grands tableaux décoratifs, en passant par des formes de pins et de médaillons
qui ornementent portes de maisons, accès de bureaux et autres lieux de travail.
L'amulette, généralement associée à l'expression turque «Masallah» (Machaâ
Allah), est ostensiblement exhibée à l'intérieur des locaux administratifs et de
services, en particulier les banques, comme on la trouve suspendue aux
rétroviseurs des taxis, autobus et de la majorité des véhicules de particuliers.
Dans une société où le pouvoir du mauvais œil est communément reconnu et craint
par tous, dans la vie quotidienne, «Nazar Boncuk» s'est attribué, sans conteste,
le rôle et la fonction de protéger à la fois les biens et les personnes.
Dans la croyance populaire anatolienne, le regard «Nazar» associé à trop de
compliments ou de flatteries, finit par prendre la forme de la jalousie et avoir
un effet négatif qui se répercute aussi bien sur la personne que sur les biens
ou les objets.
C'est la raison pour laquelle presque toutes les mamans turques attachent, avec
une épingle à nourrice, le fameux œil bleu sur les vêtements de leurs bébés. «Nazar
Boncuk» est certes la manifestation la plus ostentatoire de la superstition des
Turcs, mais la culture et la croyance populaires anatoliennes regorgent de
coutumes, us et pratiques transmises de génération en génération et qui
influent, encore aujourd'hui, sur les comportements et actes quotidiens de la
quasi-totalité de la population.
Parmi les croyances et pratiques courantes de superstition largement répandues
en Turquie, figurent également celles relatives aux mausolées, cimetières et
lieux saints, au corps humain, aux animaux, aux objets, aux végétations, aux
astres et aux jours de la semaine. Ainsi, en Turquie, il n'est pas bon signe
d'indiquer du doigt un cimetière, ceux qui le feront auront les doigts secs,
comme il n'est pas bon signe de se coucher avec ses chaussettes près de sa tête,
la personne qui le fera mourra très prochainement. Et si la chaussure se
retourne lorsque quelqu'un l'enlève, elle annonce la mort très prochaine de
cette personne.
Le hululement d'un hibou porte malheur et si un lapin apparaît devant une
personne, c'est un mauvais signe et la personne doit, si possible, faire
demi-tour.
Rêver d'un scorpion, est un bon signe, mais l'aboiement intempestif d'un chien,
le cocorico prolongé d'un coq et le mugissement du bœuf présagent d'une
catastrophe naturelle.
Dans la croyance populaire turque, si une personne a la paume de sa main droite
qui la démange, elle recevra de l'argent. S'il s'agit de la main gauche, une
dépense conséquente sera au rendez-vous.
Le sifflement de l'oreille gauche est signe de richesse, celui de l'oreille
droite est signe de bonne santé, alors que les battements des paupières portent
malheur et annoncent une mort imminente dans l'entourage.
Si les deux extrémités du croissant de lune sont dirigées vers le bas, le mois
courant sera pluvieux, et si elles sont orientées vers le haut, c'est un mois de
sécheresse qui s'annonce. La superstition pousse les Turcs à entreprendre ou non
divers actes courants durant certains jours de la semaine classés, jours de
chance ou de malchance, selon les croyances locales.
Ainsi, il est déconseillé de laver le linge les mardis et samedis, faute de quoi
la personne qui portera les vêtements lavés mourra avant de les salir. Se marier
un mardi, tricoter un vendredi ou ensemencer le champ un mardi portent malheur.
Bien qu'elles paraissent irrationnelles, ces croyances populaires n'ont pas pu
être extirpées du cœur, du cerveau et de la conscience de la majeure partie des
Turcs, en particulier dans les profondeurs de l'Anatolie où, loin de l'ouverture
des esprits et du raisonnement cartésien des citadins, les coutumes héritées des
générations antérieures continuent d'être respectées et prises en considération
dans les actes anodins et quotidiens de la population.
Source: http://www.lematin.ma/Journal/Article.asp?id=soc&ida=59413